Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/221

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ou à réprouver vos actions… Mais vous, mes amis… vous, banneret de Berne… vous, Rudolphe… vous spécialement, Nicolas Bonstetten, mon camarade et mon ami, pourquoi n’avoir pas pris ce misérable sous votre protection ? Ce fait aurait montré au duc de Bourgogne que nous avons été indignement calomniés par ceux qui ont prétendu que nous désirions nous quereller avec lui ou exciter ses sujets à la révolte. Maintenant toutes ses préventions vont être confirmées dans l’esprit de chacun, car on tient plus à conserver les mauvaises impressions que les bonnes. — Aussi vrai que je vis de pain, bon compère et voisin, répondit Nicolas Bonstetten, j’ai eu grande envie d’agir comme vous souhaitez qu’on eût agi, à tel point que je songeais à intervenir et à protéger le prisonnier, quand Rudolphe Donnerhugel m’a rappelé que vos derniers ordres étaient de serrer les rangs et de laisser les gens de Bâle responsables de toutes leurs actions ; et certainement, dis-je alors en moi-même, mon compère Arnold sait mieux que moi tout ce qu’il est convenable de faire. — Ah ! Rudolphe, Rudolphe ! » dit le landamman en le regardant d’un air courroucé, « n’es-tu pas honteux d’avoir ainsi trompé un vieillard ? — Dire que je l’ai trompé est une dure accusation ; mais de votre part, » répondit le Bernois avec sa déférence habituelle, je puis supporter tout. Je dirai seulement qu’en ma qualité de membre de cette ambassade je suis obligé de réfléchir et de donner mon opinion comme tel, en l’absence surtout de celui qui est assez sage pour nous conduire et diriger tous. — Tes paroles sont toujours belles, Rudolphe, répliqua Arnold Biederman, et j’espère que le sens en est honorable pour toi. Cependant il est des occasions où j’en doute… Allons, ne nous occupons plus de disputes, et donnez-moi votre opinion, mes amis ; mais d’abord remplissons un devoir indispensable : rendons-nous à l’église pour remercier Dieu de nous avoir préservés tous d’un assassinat, et ensuite nous délibérerons sur ce qu’il conviendra de faire. »

En conséquence le landamman se dirigea vers l’église de Saint-Paul, où ses compagnons et ses collègues le suivirent en rang. Cette circonstance donna à Rudolphe, qui, comme le plus jeune, laissa passer les autres devant lui, occasion de faire signe à Rudiger, dernier des fils du landamman, et de lui dire à l’oreille qu’il avisât à se débarrasser des deux marchands anglais.

« Défaisons-nous d’eux, mon cher Rudiger, par un moyen honnête s’il est possible ; mais enfin, il faut nous en défaire. Ton père