Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/23

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rapines des chevaliers voleurs de l’Allemagne, qui, comme tant de souverains, faisaient la guerre chacun suivant son bon plaisir, levant des taxes et des impôts avec l’insolence de petits tyrans sur tous les voyageurs qui passaient à un mille de leurs domaines.

Après avoir quitté Lucerne, les voyageurs continuèrent heureusement leur route pendant quelques heures. Le chemin, quoique escarpé et difficile, était rendu intéressant par les grands phénomènes qu’aucune contrée ne déploie d’une manière plus étonnante que les montagnes de la Suisse, où les sentiers ouverts dans le roc, les vallées verdoyantes, les larges lacs et les torrents rapides, attributs des autres montagnes aussi bien que de celles-ci, sont entremêlés des horreurs magnifiques et pourtant effrayantes de glaciers, très particuliers aux monts helvétiques.

Ce n’était pas un temps où les beautés et la grandeur d’un paysage produisaient beaucoup d’impression sur les esprits des gens qui parcouraient la campagne et qui l’habitaient. Pour eux, ces objets, quelle qu’en fût la dignité, leur étaient familiers et s’associaient à des habitudes journalières, à des travaux quotidiens, et les voyageurs trouvaient peut-être plus terrible que belle la région sauvage qu’ils traversaient, et s’inquiétaient plus d’arriver sains et saufs à l’endroit où ils devaient passer la nuit que d’admirer en détail la magnificence des scènes qui les séparaient du lieu de leur destination. Néanmoins nos marchands ne pouvaient, en continuant leur voyage, s’empêcher d’être fortement frappés du genre de spectacle qui les entourait. Leur route passait au bord d’un lac, tantôt uni et se rapprochant tout-à-fait de la rive, tantôt s’élevant à une grande hauteur sur la pente de la montagne, et serpentant au faîte de précipices qui dominaient les eaux du lac perpendiculairement, comme les murailles d’un château sortent du fossé qui le défend. D’autres fois, elle traversait des lieux d’un caractère plus gai, de délicieuses pelouses vertes, et des vallées descendant en pente douce, présentant des pâturages et des terres labourables, parfois arrosés par de petits ruisseaux qui serpentaient dans des hameaux de huttes en bois, d’où s’élevaient une petite église et un clocher capricieusement bâti, s’arrêtaient autour des vergers et des coteaux de vignes, et qui, produisant un doux murmure lorsqu’ils coulaient, se frayaient un passage tranquille vers le lac.

« Ce ruisseau, Arthur, » dit le vieux voyageur, tandis que d’un commun accord ils s’étaient arrêtés tous deux pour considérer le