Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/235

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saintes personnes dans leurs longs pèlerinages. Les clefs de saint Pierre, grossièrement découpées d’un lambeau d’étoffe écarlate, ressortaient sur le dos de son manteau, placées, comme dit le blason, en sautoir. Ce pieux personnage semblait avoir cinquante ans et plus : il était bien fait et vert pour son âge, avec une physionomie qui, sans être positivement désagréable, n’était guère prévenante. Il y avait dans ses yeux et dans ses gestes une expression vive et fine qui offrait un bizarre contraste avec l’air dévot du rôle qu’il jouait alors. Cette différence entre son costume et sa figure n’était nullement étonnante chez des gens de sa condition, dont la plupart avaient embrassé ce genre de vie plutôt pour satisfaire à des habitudes de vagabondage et de paresse, que pour obéir à aucune vocation religieuse.

« Qui es-tu ? cher camarade, dit le vieux Philipson, et de quel nom dois-je t’appeler pendant que nous sommes compagnons de voyage ? — Barthélémy, monsieur, répondit l’homme, frère Barthélémy… je pourrais dire Bartholomæus, mais il ne convient pas à un pauvre frère laïque comme moi d’aspirer à l’honneur d’une savante terminaison. — Et quel est le but de ton voyage, bon frère Barthélémy ? — D’aller dans toute direction où il plaira à Votre Seigneurie de voyager et de demander mes services comme guide, répondit le pèlerin ; pourvu toujours que vous m’accordiez le temps de faire mes dévotions dans les saints lieux où nous pourrons passer. — C’est-à-dire que ton propre voyage n’a aucun but déterminé, aucun objet pressant ? — Aucun en particulier, comme dit bien Votre Seigneurie ; ou plutôt je devrais dire que mon voyage, mon cher monsieur, embrasse tant d’objets qu’il m’est tout-à-fait indifférent d’atteindre d’abord tel ou tel autre. Mon vœu m’engage à voyager pendant quatre ans d’un lieu saint vers un autre ; mais je ne suis pas précisément tenu à les visiter tous dans un ordre déterminé. — C’est-à-dire que ton vœu de pèlerinage ne t’empêche pas de te louer pour servir de guide à des étrangers. — Si je puis unir la dévotion que je dois aux bienheureux saints dont je visite les reliques à des services rendus à mes semblables, qui voyagent et désirent être dirigés dans leur route, je soutiens que ces deux objets peuvent aisément se concilier l’un avec l’autre. — Surtout quand un petit profit mondain peut servir à cimenter les deux devoirs ensemble, lorsque autrement ils seraient incompatibles. — Il plaît à Votre Honneur de parler ainsi ; mais vous pouvez vous-même, si la chose vous convient, tirer de ma bonne compagnie