Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/252

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un bâtiment vaste mais ruiné, dont les nombreuses mais étroites croisées, qu’on apercevait obscurément dans le crépuscule, ne reflétaient aucune lumière sur la façade.

CHAPITRE XIX.

L’HÔTELLERIE.

Premier voiturier. Holà ! garçon, la peste te ronge ! n’as-tu donc pas d’yeux dans la tête ? Ne peux-tu donc entendre ? Si ce n’est pas une aussi bonne action de te casser la caboche que de boire, je suis un gredin ! Avance donc, gibier de potence… N’as-tu pas de cœur ?
Gadshill. Je t’en prie, prête-moi la lanterne pour mettre mon cheval à l’écurie.
Deuxième voiturier. Oui-dà ? Tout doux, s’il vous plaît ; je connais un tour qui en vaut deux comme celui là.
Gadshill. Je t’en prie, prête-moi la tienne, toi.
Troisième voiturier. Oui, et quand ? peux-tu le dire ?… Prête-moi ta lanterne, dis-tu ? En vérité, j’aimerais mieux te voir d’abord pendu.
Shakspeare Henri IV.

L’esprit de sociabilité particulière la nation française avait déjà introduit dans les auberges de cette contrée la gaie et joyeuse manière de recevoir les voyageurs, sur laquelle Érasme, à une époque moins éloignée de nous, a appuyé avec beaucoup d’emphase, comme faisant contraste avec l’accueil froid et bourru que les étrangers trouvaient souvent dans une hôtellerie allemande. Philipson s’attendait donc à être reçu par un hôte affairé, poli, loquace par une hôtesse et sa fille pleines de douceur, de coquetterie et de gaité… par un garçon souple et souriant… par une servante officieuse et gentille. Les meilleures auberges de France se vantaient aussi d’avoir des chambres particulières où les étrangers pouvaient soit changer de vêtements, soit réparer leur toilette, où ils pouvaient coucher seuls dans un lit, et déposer leur bagage dans un endroit sûr et séparé. Mais tout ce luxe était encore inconnu en Allemagne ; et dans l’Alsace où la scène se passe maintenant, aussi bien que dans les autres dépendances de l’empire, on regardait comme efféminés les voyageurs qui ne se contentaient pas des provisions absolument nécessaires. Encore la qualité en était-elle commune et médiocre, à l’exception du vin.