Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/257

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quand la compagnie a fini de boire. — Tout cela, » dit Philipson se faisant humble, attendu que la colère eût été ridicule, « est fort raisonnable ; et je ne m’oppose ni à vos règlements ni à vos usages. Mais, » ajouta-t-il en tirant sa bourse de sa ceinture, « la maladie demande quelque privilège, et quand le malade consent à le payer, il me semble que la rigueur de vos règles peut souffrir quelque adoucissement. — Je tiens une hôtellerie, seigneur, et non un hôpital. Si vous restez ici, vous y serez servi avec autant d’attention que les autres… si vous n’êtes pas disposé à faire comme les autres font, quittez ma maison et cherchez une autre auberge. "

Après avoir reçu cette rebuffade décisive, Philipson abandonna la partie et quitta le sanctum sanctorum de son disgracieux hôte pour attendre la venue du souper, resserré au milieu de la foule qui encombrait le stube, comme un bœuf l’est au milieu de ses pareils acculés dans un coin. Parmi les étrangers, les uns, épuisés de fatigue, passaient à dormir l’intervalle qui séparait leur propre arrivée de celle du repas attendu ; les autres causaient ensemble des nouvelles du pays, d’autres enfin jouaient aux dés, ou à toute espèce de jeux qui pouvaient servir à faire passer le temps. La compagnie se composait d’individus pris dans tous les rangs, depuis l’homme dont l’apparence annonçait l’aisance et la situation prospère, jusqu’à celui dont les manières et les vêtements dénotaient un état de fortune assez voisin de la pauvreté.

Un moine mendiant, qui paraissait être d’un naturel gai et jovial, s’approcha de Philipson, et entama avec lui une conversation. L’Anglais connaissait assez bien le monde pour ne pas ignorer que, s’il désirait cacher ou sa condition ou ses projets, il y réussirait mieux en prenant des manières sociables et ouvertes. Il accueillit donc avec bonté les avances du moine, et conversa avec lui sur l’état de la Lorraine et sur l’intérêt que la tentative du duc de Bourgogne, pour s’emparer de ce fief, exciterait probablement en France et en Allemagne. Satisfait d’entendre son compagnon de voyage exprimer ses sentiments sur ce sujet, Philipson n’émettait aucune opinion qui lui fût propre ; mais après avoir prêté attention aux renseignements que le moine jugea à propos de lui communiquer, il préféra parler plutôt de la géographie du pays, des facilités qu’il présentait au commerce, et des lois qui étaient sujettes à l’entraver ou à le favoriser.

Pendant qu’il était ainsi engagé dans la conversation qui semblait le plus convenir à sa profession, l’hôte entra tout-à-coup dans