Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/285

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valeur inestimable, la prudence lui conseillait de chercher un endroit où il pourrait passer la nuit. Au moment même où il prenait la résolution de demander à la première habitation qu’il rencontrerait quel chemin il devait suivre pour trouver une auberge, la route qu’il suivait descendit dans un bel amphithéâtre planté de gros arbres qui protégeaient contre les chaleurs de l’été l’herbe tendre et délicate du pâturage. Un large ruisseau coulait à travers et rejoignait le Rhin. À un mille environ en remontant le ruisseau, l’onde divisée entourait presque une colline roide et sourcilleuse, couronnée de murs à créneaux, de tours et de tourelles gothiques, qui renfermaient un château féodal de premier ordre. Une partie du terrain déjà mentionné, bien qu’irrégulièrement cultivée en froment, avait donné une abondante récolte. La moisson était déjà faite ; mais la couleur jaunâtre du chaume épais contrastait avec la verdure de la prairie respectée et avec le feuillage rouge-foncé des grands chênes qui étendaient leurs branches au dessus de la plate-forme. Un jeune garçon, habillé en paysan, s’occupait à prendre au filet une compagnie de perdrix à l’aide d’un épagneul dressé, tandis qu’une jeune femme, qui avait plutôt l’air d’une domestique de grande maison que celui d’une villageoise ordinaire, était assise sur un tronc d’arbre miné par le temps, et regardait les tentatives du chasseur. L’épagneul, dont le devoir était de ramener les perdrix sous le filet, fut évidemment troublé à l’approche du voyageur ; son attention fut partagée, et il allait infailliblement s’exposer à effrayer le gibier en aboyant, et à détruire toute chance de succès, quand la jeune personne quitta son siège, et s’avançant vers Philipson, le pria d’avoir la complaisance de passer plus loin et de ne pas troubler leur amusement.

Le voyageur obtempéra très volontiers à sa requête.

« Je passerai, ma belle demoiselle, à telle distance qu’il vous plaira, dit-il, mais permettez-moi en échange de vous demander s’il y a près d’ici un couvent, un château ou une maison de fermier dans laquelle un étranger qui est las et attardé puisse recevoir l’hospitalité pour la nuit. »

La jeune fille, dont il n’avait pas encore vu distinctement la figure, sembla réprimer une envie de rire, tandis qu’elle répondait en montrant le haut des tourelles : « Croyez-vous donc qu’il n’y a point dans le château quelque coin qui puisse recevoir un étranger dans une pareille extrémité ? — Il y a bien assez de place, sans doute, répliqua Arthur ; mais peut-être trop peu de bonne volonté