Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/287

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eût parfois conçu l’espérance de revoir celle qui avait fait une si forte impression sur son esprit, cependant la raison lui avait souvent représenté combien était faible la chance d’une rencontre, et il fut alors même découragé en réfléchissant qu’elle ne pouvait être suivie que par le chagrin d’une séparation soudaine et éternelle. Il s’abandonna cependant à la perspective du plaisir qu’il se promettait, sans chercher à prévoir quelle devait en être la durée ou la conséquence. Avide, en attendant, d’apprendre sur Anne autant de détails qu’il pourrait plaire à Annette de lui en donner, il résolut de ne pas laisser voir à cette joyeuse enfant qu’elle lui était connue, avant qu’elle mît elle-même tout mystère de côté.

Tandis que ces pensées se succédaient rapidement dans son imagination, Annette dit au jeune chasseur, qui avait enfin amené les perdrix sous son filet, de prendre les deux plus belles pour les porter à la cuisine, et de remettre les autres en liberté.

« Il faut que je songe au souper, dit-elle au voyageur, puisque je conduis à la maison un convié inattendu. »

Arthur témoigna vivement l’espoir que l’hospitalité qu’on allait lui donner au château n’en troublerait pas les habitants, et reçut des assurances satisfaisantes sur le sujet de ses scrupules.

« Je serais fort affligé, continua le voyageur, d’incommoder le moins du monde votre maîtresse. — Là, voyez donc, répliqua Annette Veilchen, je n’ai encore parlé ni de maître ni de maîtresse, et déjà ce pauvre voyageur égaré s’est mis en tête qu’il allait être hébergé dans le boudoir d’une dame. — Mais ne m’avez-vous pas dit, » répliqua Arthur, un peu confus d’un tel sarcasme, «  que vous étiez la seconde personne d’importance de la place ? J’ai dû croire qu’une demoiselle ne pouvait être officier que sous une femme gouverneur. — Je ne vois pas la justesse de cette conclusion, reprit la jeune fille ; j’ai connu des dames qui remplissaient des emplois de confiance dans des familles de seigneurs, qui même conduisaient les seigneurs à leur gré. — Dois-je comprendre, belle demoiselle, que vous occupez un poste si éminent dans le château dont nous approchons, et dont je vous prie de me dire le nom ? — Le nom du château est Arnheim. — Votre garnison doit être considérable, » répliqua Arthur en regardant l’immense édifice, « si vous pouvez défendre un pareil labyrinthe de créneaux et de tours. — Sur ce point, je dois avouer que nous sommes d’une faiblesse extrême. Quant à présent, nous nous cachons dans le château plutôt que nous ne l’habitons ; et cependant il est assez bien défendu par les bruits qui