Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/293

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l’ami… — Ton propre ami, je gage, dit la jeune baronne. — Eh ! oui, c’est mon pauvre ami, louis Sprenger ; car je ne serai jamais assez fausse de cœur pour renier mon amant. — Bien, bien ! mais quelle doit être la conclusion de tout ceci ? » répliqua la baronne avec impatience.

« La conclusion ? oh ! suivant moi, répondit Annette, elle est bien simple. Nous avons des prêtres et des missels à moins d’un mille… Descendez au salon, ouvrez votre cœur à votre amant, ou écoutez-le vous ouvrir le sien ; unissez-vous, et retournez tranquillement à Geierstein avec le titre de mari et de femme, et préparez tout pour recevoir votre oncle à son retour. Voilà la manière dont une fille suisse, qui est franche, doit terminer le roman d’une baronne allemande. — Et briser le cœur de son père, » ajouta la jeune dame avec un soupir.

« Son cœur ? il est plus dur que vous ne le croyez, répliqua Annette ; il n’a point vécu si long-temps sans vous, pour ne pouvoir se passer de vous le reste de sa vie, et beaucoup plus facilement encore que vous-même. Avec vos idées de noblesse nouvellement écloses, vous ne pourriez accepter les plans de fortune et d’ambition qui tendraient à vous faire la femme de quelque illustre comte, tel que d’Hagenbach, qu’au moins vous ne voyez plus depuis qu’il a terminé ses jours d’une manière si édifiante, au grand exemple de tous les chevaliers-brigands du Rhin. — Ton projet est inexécutable, ma fille ; c’est l’innocente vision d’une enfant qui ne connaît de la vie que ce qu’elle en a entendu dire en trayant les vaches. Rappelle-toi que mon oncle entretient les plus hautes idées sur la discipline des familles, et qu’agir contrairement aux vœux de mon père nous ferait perdre toute son estime. Pourquoi suis-je ici ? pourquoi mon oncle a-t-il résigné sa tutelle ? pourquoi suis-je obligée de quitter des habitudes qui me sont chères pour prendre les mœurs d’un autre peuple, qui me sont inconnues et par conséquent déplaisantes ? — Votre oncle, » répliqua Annette fermement, « est le landamman du canton d’Unterwalden ; il respecte la liberté, et il est le protecteur juré de ses lois ; et quand vous viendrez, fille adoptive de la confédération, en réclamer l’appui, il ne pourra vous le refuser. — Alors même, dit la jeune baronne, je perdrais toute son estime, toute son affection plus que paternelle ; mais il n’est pas besoin de s’appesantir sur ce point. Sache que, quoique j’aie pu aimer ce jeune homme qui, je l’avouerai, me paraît aussi aimable que ton impartialité l’a dépeint… sache, » reprit-elle, après un mo-