Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/328

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fortune, il a pu trouver en lui-même d’humbles sources de consolation, que votre esprit plus fier est disposé à dédaigner : une lutte avec ses ménestrels a pour lui tout le charme d’un tournoi ; et une couronne de fleurs tressée par des troubadours, célébrée dans leurs sonnets, lui semble une heureuse compensation pour les diadèmes de Jérusalem, de Naples et des Deux-Siciles, dont il ne possède que les vains titres — Ne me parlez pas de ce vieillard digne de pitié, répliqua Marguerite, tombé si bas qu’il est au dessous même de la haine de ses plus mortels ennemis, et qui n’a jamais excité que le dédain. Je te l’avoue, noble Oxford, j’ai failli devenir folle par suite de ma résidence forcée près d’Alix, dans le misérable cercle qu’il appelé sa cour. Mes oreilles, qui maintenant ne s’ouvrent avec plaisir qu’aux accents de la douleur, ne sont pas encore aussi lasses de l’éternel frémissement des harpes, du continuel grincement des archets, du perpétuel battement des castagnettes… mes yeux ne sont pas aussi las d’une pitoyable affectation du cérémonial des cours, qui n’est respectable que s’il annonce richesse et insigne puissance… que mon âme n’est malade en voyant la stupide ambition qui peut trouver plaisir aux paillettes, aux glands faux, au clinquant, lorsque tout ce qui est grand et noble a disparu. Non, Oxford, si je suis destinée à perdre le dernier rayon d’espoir que la bizarre fortune semble m’offrir, je me retirerai dans le plus humble couvent des Pyrénées, et là du moins j’échapperai à l’insulte de la gaîté idiote de mon père… Qu’il s’efface de notre souvenir comme des pages de l’histoire dans laquelle son nom ne sera jamais cité ! J’ai bien des choses plus importantes à dire et à faire. Et maintenant, mon Oxford, quelles nouvelles d’Italie ? le duc de Milan nous aidera-t-il de ses conseils ou de ses trésors ? — De ses conseils très volontiers, madame ; mais comment les goûterez-vous ?… je l’ignore, en vérité, puisqu’il nous recommande de nous soumettre à notre malheureux destin et de nous résigner aux volontés de la Providence. — Le rusé Italien ! Galéas ne veut donc nous secourir d’aucune partie de ses trésors, ni protéger une amie à laquelle il a si souvent juré fidélité aux jours de son bonheur ? — Non ; les diamants que j’ai déposés entre ses mains n’ont pu le déterminer à ouvrir son coffre-fort pour nous prêter les ducats nécessaires à notre entreprise. Il a dit cependant que si Charles de Bourgogne songeait sérieusement à intervenir en notre faveur, telle était son estime pour ce grand prince et son vif sentiment des infortunes de Votre Majesté, qu’il considérerait ce que l’état de ses finances, quoique pres-