Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/396

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gleterre et moi nous sommes peu amis depuis longues années. — C’est précisément à cause de ce fait que je viens ici, répliqua Arthur. Je viens présenter mes hommages à la fille de Votre Majesté, la princesse Marguerite d’Anjou, que moi et beaucoup de véritables Anglais regardons encore comme notre reine, quoique des traîtres aient usurpé son titre. — Hélas ! bon jeune homme, dit René, il faut que je m’afflige pour vous, tout en respectant votre dévouement et votre fidélité ; si ma fille Marguerite eût été de mon caractère, elle aurait depuis long-temps renoncé à des prétentions qui ont noyé dans des flots de sang ses partisans les plus nobles et les plus braves. »

Le roi allait en dire davantage, mais il se retint.

« Va à mon palais, dit-il, demande le sénéchal Hugues de Saint-Cyr, il te mettra à même de voir Marguerite… en supposant toutefois qu’elle veuille te voir, elle. Sinon, bon jeune Anglais, reviens à mon palais et tu y recevras une honorable hospitalité ; car un roi qui aime la poésie, la musique et la peinture, est toujours très sensible au mérite de l’honneur, de la vertu et du dévouement ; et je lis dans tes regards que tu possèdes ces qualités, et je crois fermement que tu pourras, dans des jours plus tranquilles, aspirer à partager les honneurs de la joyeuse science. Mais si tu as un cœur capable d’être touché par le sentiment de la beauté et des heureuses proportions, il tressaillira en toi à la première vue de mon palais, dont la grâce imposante peut être comparée aux formes sans défaut d’une dame de haute naissance, et l’art aux modulations simples en apparence, mais néanmoins travaillées, d’un air comme celui que nous composions tout à l’heure. »

Le roi semblait disposé à prendre son instrument et à régaler le jeune homme d’une répétition du morceau qu’il venait d’arranger ; mais Arthur en ce moment éprouvait ce pénible sentiment de honte intérieure et toute particulière que ressentent les esprits bien faits lorsqu’ils voient d’autres personnes prendre de grands airs d’importance avec la certitude qu’ils excitent l’admiration, lorsqu’en effet ils s’exposent seulement au ridicule. Bref, Arthur prit congé, honteux et confus, du roi de Naples, des Deux-Siciles et de Jérusalem, d’une manière un peu plus brusque que la cérémonie ne le demandait. Le roi le suivit des yeux, étonné de ce manque d’éducation, qu’il imputa néanmoins aux usages insulaires de son visiteur, et se remit ensuite à pincer sa viole.

« Le vieux fou ! dit Arthur : sa fille est détrônée, ses domaines