Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nent d’un pays, répliqua Marguerite, où les hommes sont instruits dès leur enfance à préférer le devoir au plaisir. »

Le pauvre roi, entraîné dans le cabinet du conseil, vit avec un frisson intérieur le fatal coffre d’ébène cerclé en argent qui ne s’était jamais ouvert que pour l’accabler d’ennui, et il calcula avec douleur combien de bâillements lui seraient arrachés avant qu’il pût parvenir à en examiner tout le contenu. Mais exposés devant lui, ces papiers se trouvèrent être d’une nature qui excita son intérêt, quelque pénible qu’il fût.

Sa fille lui présenta un résumé court et clair des dettes hypothéquées sur ses domaines, et pour lesquelles ils se trouvaient engagés par différentes pièces et parties. Elle lui montra alors sur une autre feuille les réclamations considérables dont le paiement immédiat était demandé, quoiqu’il fût impossible de trouver les fonds qui dussent y suffire. Le roi se défendit comme bien d’autres l’auraient fait dans sa situation désespérée. À chaque réclamation de six, sept ou huit mille ducats, il répondait en assurant qu’il avait dix mille écus dans son coffre, et montrait quelque répugnance à se laisser convaincre, bien qu’on ne cessât de le lui répéter, que cette somme ne pouvait suffire à en solder une trente fois plus forte.

« Alors, » dit le roi avec un peu d’impatience, « pourquoi ne pas payer ceux qui sont les plus pressés, et faire attendre les autres jusqu’à ce que de nouvelles rentrées nous arrivent ? — C’est un moyen auquel on n’a eu recours que trop souvent, et vous ne faites que remplir un devoir d’honneur en payant des créanciers qui ont avancé toute leur fortune pour le service de Votre Majesté — Mais ne sommes-nous pas roi des Deux-Siciles, de Naples, d’Aragon et de Jérusalem ? Et pourquoi mettre l’épée dans les reins au monarque de tous ces beaux royaumes, comme à un marchand banqueroutier, pour quelques sacs de pauvres écus ? — Vous êtes en effet monarque de ces royaumes ; mais il est nécessaire de rappeler à Votre Majesté que c’est seulement comme je suis, moi, reine d’Angleterre où je ne possède pas un pied de terrain, où je ne puis percevoir un sou de revenu. Les seuls domaines qui vous soient de quelque rapport sont tous notés sur cette liste avec la somme exacte des revenus que vous en tirez. Ils sont tout-à-fait insuffisants, comme vous le voyez, pour soutenir votre dignité et satisfaire aux engagements considérables que vous avez contractés envers vos premiers créanciers. — Il est cruel de me presser ainsi jusqu’au pied du mur, dit le pauvre roi. Que puis-je faire ? Si je suis pauvre,