Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/425

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tia avec colère en l’interrompant : « consiste seulement à désavouer… seulement à ne pas appuyer… seulement à abandonner la cause de mon petit-fils, du fils de ma chère Yolande, et ses justes droits sur l’héritage de sa mère !… Marguerite, j’en suis honteux pour vous : votre orgueil sert d’excuse à votre humeur difficile ; mais qu’est-ce que l’orgueil qui peut faire commettre une bassesse déshonorante ? Abandonner, désavouer même et ma chair et mon sang, parce que ce jeune homme est un brave chevalier en campagne et disposé à se battre pour son droit !… je mériterais que la harpe et le cor fissent retentir au loin ma honte si je venais à vous écouter. »

Marguerite fut en quelque sorte déconcertée par l’opposition inattendue du vieillard. Elle chercha cependant à prouver qu’aucun point d’honneur ne pouvait engager son père à épouser la cause d’un téméraire aventurier dont le droit, si légitime qu’il fût, n’était soutenu que par quelques misérables secours d’argent venus de France secrètement, et par les armes des incorrigibles bandits qui infestaient les frontières de toutes les nations. Mais, avant que René pût répondre, des voix, qui parlaient sur un ton très élevé, retentirent dans l’antichambre, dont la porte fut ouverte par un chevalier revêtu d’une armure et couvert de poussière, dont l’extérieur annonçait qu’il venait de loin.

« Me voici, dit-il, père de ma mère… regardez votre petit-fils… Ferrand de Vaudemont ; le fils d’Yolande votre bien-aimée se jette à vos genoux et implore votre bénédiction pour lui et pour son entreprise. — Tu l’as, répondit René, et puisse-t-elle te porter bonheur, brave jeune homme, image de ta sainte mère… mes bénédictions, mes prières, mes vœux te suivront partout. — Et vous, belle tante d’Angleterre, » reprit le jeune chevalier en s’adressant à Marguerite, « vous qui êtes aussi dépossédée par des traîtres, n’avouerez-vous pas la cause d’un parent qui combat pour son héritage ? — Je vous souhaite toutes les prospérités possibles, beau neveu, répondit la reine d’Angleterre, bien que votre visage me soit inconnu. Mais conseiller à ce vieillard d’embrasser votre cause lorsqu’elle est désespérée aux yeux de tous les gens sages, serait une folie impie. — Ma cause est-elle donc désespérée ? dit Ferrand ; pardonnez moi si je ne m’en doutais pas. Et est-ce bien ma tante Marguerite qui parle ainsi, elle qui, par sa force d’âme, a soutenu si long-temps la maison de Lancastre, après que le courage de ses guerriers eut été refroidi par tant de défaites ? Qu’auriez-vous dit…