Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/464

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comme d’ordinaire, un endroit où le duc était cité à venir sans armes ni escorte, et d’où il était dit qu’on le conduirait au lieu du jugement.

Charles, après avoir examiné la pièce quelque temps, exhala sa colère en paroles.

« Je sais de quel carquois vient cette flèche, dit-il ; elle est lancée par le noble dégénéré, ce prêtre apostat, ce complice de sorciers, cet Albert de Geierstein. Nous avons entendu dire qu’il fait partie de cette maudite troupe d’assassins et de proscrits que ce petit-fils du vieux musicien de Provence a rassemblés autour de lui. Mais, par saint George de Bourgogne ! ni capuchon de moine, ni casque de soldat, ni chapeau de conjuré, ne le préserveront après une insulte comme celle-ci. Je le dégraderai de la chevalerie, je le pendrai au plus haut clocher de Nanci, et sa fille choisira entre le dernier rustre de mon armée et le couvent des Filles repenties ! — Quels que soient vos projets, monseigneur, dit Contay, il vaudrait assurément mieux garder le silence, attendu que, d’après cette apparition, nous pouvons conjecturer qu’il y a autour de nous plus d’oreilles que nous ne savons ouvertes pour nous entendre. »

Le duc parut frappé de cet avis et se tut, ou du moins murmura seulement des imprécations et des menaces entre ses dents, pendant qu’on faisait la plus stricte recherche de l’imprudent qui était venu troubler son repos ; mais ce fut vainement.

Le duc continua ses perquisitions, irrité d’une audace dépassant ainsi toutes les bornes, et telle que n’en avaient jamais montré les sociétés secrètes qui, quelque terreur qu’elles inspirassent, n’avaient pas encore tenté d’atteindre des souverains. Un fidèle détachement de Bourguignons fut envoyé, la nuit de Noël, surveiller l’endroit indiqué dans la sommation, qui était une place où quatre chemins se rencontraient, et faire prisonniers tous ceux sur lesquels il pourrait mettre la main. Le duc n’en continuait pas moins à imputer l’offense qu’il avait reçue à Albert de Geierstein. Sa tête fut mise à prix, et Campo-Basso, toujours prêt à flatter les caprices de son maître, promit que quelques uns des Italiens, suffisamment expérimentés pour de tels exploits, lui amèneraient le coupable baron, mort ou vif. Colvin, Contay et autres sourirent en secret des promesses de Campo-Basso.

« Tout adroit qu’il est, dit Colvin, il attirera le sauvage vautour du ciel avant de faire tomber Albert Geierstein entre ses mains. »

Arthur, à qui les paroles du duc n’avaient pas causé une mé-