Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/72

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qu’ils en aperçussent ; les tourelles, les serfs fussent obligés d’ôter leurs bonnets, sous peine de subir le châtiment réservé aux rebelles. — Je remarque, dit le vieux marchand, un écusson gravé sur une pierre au bas de cette tourelle ; c’est, je pense, celui de la dernière famille : un vautour perché sur une pointe de roc, indiquant sans doute le sens du mot Geierstein. — Ce sont les anciennes armes de la famille ; et, comme vous dites, elles expliquent le nom du château qui était le même que celui des chevaliers qui le possédèrent si long-temps. — J’ai aussi remarqué dans votre salle un casque surmonté du même cimier, des mêmes armes. C’est, je suppose, un trophée du triomphe des paysans suisses sur les seigneurs de Geierstein, comme l’arc anglais est conservé par vous en mémoire de la bataille de Buttisholz. — Et vous, mon beau monsieur, vous paraissez, par suite des préjugés de votre éducation, considérer l’une de ces deux victoires avec autant de déplaisir que l’autre ?… Il est étrange que la vénération pour la noblesse soit si profondément enracinée dans l’esprit même de gens qui n’ont aucun droit d’y prétendre ! Mais quittez cet air refrogné, mon digne hôte, et veuillez croire que bien plus d’un château d’orgueilleux baron, lorsque la Suisse secoua le joug de l’esclavage féodal, fut pillé et détruit par la juste vengeance d’un peuple irrité. Tel ne fut pas le sort de Geierstein. Le sang des antiques possesseurs de ces tours coule encore dans les veines de celui dont ces domaines sont la propriété. — Quel sens dois-je attacher à ces paroles, seigneur landamman ? N’êtes-vous pas vous-même propriétaire de ces lieux ? — Et vous pensez probablement, parce que je vis comme les autres bergers, que je porte un habit d’étoffe grossière, et que je dirige la charrue de mes propres mains, que je ne puis descendre d’une famille noble et ancienne ? Notre pays natal possède un grand nombre d’illustres paysans, monsieur le marchand, et il n’existe pas de noblesse plus ancienne que celle dont on trouve les restes dans cette contrée. Mais ils ont renoncé volontairement à la partie oppressive de leur puissance féodale, et ne sont plus regardés comme des loups au milieu de brebis, mais comme des chiens fidèles qui accompagnent le troupeau en temps de paix, et sont toujours disposés à le défendre quand la guerre menace la communauté. — Mais, » répéta le marchand, qui ne pouvait pas encore se faire à l’idée que son hôte, avec ses manières rondes et son air paysan, fût un homme d’une illustre naissance, « vous ne portez pas, mon digne monsieur, le nom de vos pères… Ils étaient, dites-vous, comtes de Geierstein,