Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/86

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étranger, tâche de ne point la déshonorer, car mon cousin ne te le pardonnera jamais si tu la déshonores… La mienne est à ton service, si tu la préfères. »

L’Anglais examina avec une certaine surprise l’arme à l’usage de laquelle il n’était aucunement habitué.

« Le provocateur, dit-il, dans tous les pays où l’honneur est connu, accepte les armes du provoqué. — Celui qui se bat sur une montagne suisse s’y bat avec une épée suisse, répliqua Rudolphe. Penses-tu que nos mains soient faites pour ne manier que des canifs ? — Les nôtres ne le sont pas non plus pour manier des faux, dit Arthur ; » et il murmura entre ses dents, en considérant l’épée que le Suisse continuait à lui offrir : « Usum non habeo, je ne connais pas l’usage de cette arme. — Te repens-tu du marché que tu as fait ? S’il en est ainsi, fais tes excuses et retourne sans crainte ; mais parle clairement, au lieu de jaser en latin comme un clerc ou un moine tonsuré. — Non, homme orgueilleux, je ne te demande pas pardon ; je songeais seulement à un combat entre un berger et un géant, où Dieu donna la victoire à celui qui avait pour se défendre des armes plus mauvaises encore que ne le sont les miennes. Je combattrai tel que me voici ; ma bonne épée me servira bien aujourd’hui, comme elle l’a toujours fait jusqu’à présent. — Sois content !… Mais ne me blâme point, moi qui t’ai offert l’égalité des armes. Maintenant, écoute. C’est un combat à mort que nous allons livrer… Cette chute d’eau sonne pour nous la charge… Oui, vieux braillard, » continua-t-il en se retournant, « il y a long-temps que tu n’as entendu le cliquetis des armes… et regarde-le avant que nous commencions, étranger ; car si tu succombes, je lancerai ton corps au milieu de ces eaux. — Et si tu succombes toi-même, Suisse superbe (car j’espère que ta présomption ne fait que rendre ta mort plus certaine), j’aurai soin que tu sois enterré dans l’église d’Einsiedlen, où les prêtres chanteront des messes pour le repos de ton âme… Ton épée à deux mains sera déposée sur ton tombeau, et une épitaphe dira au passant : « Ici repose un ourson de Berne, tué par Arthur, l’Anglais. » — Elle n’existe pas en Suisse, si pleine qu’elle soit de rochers, » répliqua Rudolphe avec dédain, « la pierre qui portera cette inscription… mais prépare-toi au combat. »

L’Anglais jeta un coup d’œil calme et décidé sur le lieu de l’action… c’était une cour, en partie vide, encombrée de ruines par monceaux plus ou moins considérables.

« Il me semble, » se dit-il à lui-même, « qu’un homme passé