Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/124

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obligé de l’incliner devant tous les orgueilleux barons féodaux, possesseurs de terres sous la juridiction de Jérusalem. Un roi doit marcher libre, grand-maître, et ne pas se trouver arrêté, ici par un fossé, là par une palissade, tantôt par un privilège féodal, tantôt par un baron couvert d’acier et l’épée à la main, tout prêt à défendre ce qu’il appelle son droit. Pour tout dire en un mot, je sais que les droits de Lusignan au trône seront préférés aux miens, si Richard se rétablit et s’il a quelque influence sur ce choix.

— C’est assez, dit le grand-maître, tu m’as en effet convaincu de ta sincérité ; d’autres peuvent avoir les mêmes pensées ; mais il y en a peu qui osent avouer aussi franchement que Conrad, qu’ils ne désirent pas la restitution du royaume de Jérusalem, mais qu’ils préféreraient être maîtres d’une portion de ses fragments, comme les barbares insulaires qui ne font rien pour travailler à la délivrance d’un noble vaisseau livré aux vagues, et attendent que son naufrage vienne les enrichir.

— Tu ne trahiras pas ma confidence ? » demanda Conrad en le regardant avec attention et méfiance. « Sois assuré que ma langue n’exposera jamais ma tête, et que mon bras saura toujours défendre l’une et l’autre : accuse-moi, si tu veux, je suis préparé à braver en lice le meilleur templier qui ait jamais mis lance en arrêt.

— Cependant tu te cabres un peu vivement pour un si bon coursier ; quoi qu’il en soit, je te promets par le saint Temple que notre ordre a juré de défendre, que je te garderai le secret comme un fidèle camarade.

— Par quel temple ? » demanda le marquis de Montferrat, qui par son penchant au sarcasme nuisait souvent à sa politique et à sa prudence : « jures-tu par celui de la montagne de Sion, que le roi Salomon fit construire, ou par cet édifice symbolique, emblématique, dont il est question dans les conseils tenus en vos commanderies, pour l’agrandissement de l’ordre vaillant et vénérable. »

Le templier lui jeta un regard qui semblait un trait de mort, mais il répondit avec calme : « Par quelque temple que je jure, sois assuré, seigneur marquis, que mon serment sera sacré. Je voudrais savoir comment te lier toi-même d’une manière aussi indissoluble.

— Je te jurerai, » dit le marquis en riant, « par cette couronne de marquis que j’espère, avant la fin de ces guerres, changer pour quelque chose de mieux. Elle ne me garantit pas du froid, cette légère couronne ; celle d’un duc serait une meilleure protection contre la brise qui souffle maintenant, et une couronne de roi me sem-