Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/171

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donné mon bon lévrier, car s’il en revient, il aura un maître qui ne connaîtra pas ce qu’il vaut.

— Un don regretté est en même temps révoqué, dit El Hakim ; seulement, nous autres médecins ne sommes pas habitués à quitter un malade avant sa guérison. Si le chien en revient, il est à toi de nouveau.

— Allez, Hakim, répondit sir Kenneth, ce n’est pas le moment de s’occuper de lévrier ou de faucon, quand on n’a plus qu’une heure entre soi et la mort. Laissez-moi me rappeler mes péchés et me réconcilier avec le ciel.

— Je t’abandonne à ta folle obstination, dit le médecin… Le brouillard cache le précipice à ceux qui sont destinés à y tomber. »

Il se retira lentement, retournant la tête de temps à autre, comme pour voir si le chevalier qui se dévouait ainsi, ne le rappellerait point par un mot ou par un signe. À la fin son turban disparut au milieu du labyrinthe de tentes qui se déroulait dans le lointain et que blanchissait déjà la pâle lumière de l’aurore, devant laquelle les derniers rayons de la lune venaient de s’effacer.

Mais quoique les paroles du médecin Adonebec n’eussent pas fait sur Kenneth l’impression que le sage avait désiré produire, elles avaient cependant donné à l’Écossais un motif pour désirer de conserver la vie ; tandis que, déshonoré comme il croyait l’être, il avait souhaité d’abord s’en défaire comme d’un vêtement souillé qu’il ne convenait plus de porter… Une foule de circonstances qui s’étaient passées entre lui et l’ermite, une certaine intelligence qu’il avait remarquée entre l’anachorète et Sheerkohf ou Ilderim, tout cela vint subitement se retracer à son souvenir et lui confirmer ce qu’Hakim lui avait dit de l’article secret du traité.

« L’imposteur ! s’écria-t-il en lui-même, l’hypocrite à cheveux blancs ! Il parlait du mari infidèle converti par une épouse chrétienne… Et que sais-je si le traître n’a pas exposé aux regards du Sarrasin maudit de Dieu la beauté d’Édith Plantagenet, afin que le chien d’infidèle pût décider si elle était digne d’être admise dans le harem d’un païen. Si je tenais encore une fois entre les mains ce mécréant, comme le jour où je le serrais d’aussi près qu’un lévrier serre sa proie, jamais du moins il ne reviendrait chargé d’un message aussi outrageant pour l’honneur d’un roi chrétien, et d’une noble et vertueuse damoiselle. Mais, hélas !… les derniers moments de ma vie se réduisent peut-être à quelques minutes… N’im-