Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/181

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plus belles femmes de cette époque. Sa taille était légère et ses formes d’une perfection exquise. Elle avait une blancheur de teint peu commune dans son pays, une profusion de cheveux blonds, et des traits si délicats et si jeunes qu’elle paraissait avoir quelques années de moins que son âge, quoiqu’elle n’eût pas plus de vingt et un ans. Peut-être le sentiment de cet air d’extrême jeunesse lui faisait-il affecter une pétulance d’enfant, et des manières capricieuses : elle pensait sans doute que cet abandon ne pouvait paraître malséant dans une jeune épouse, à qui son rang et son âge donnaient le droit d’avoir des fantaisies et de les satisfaire. Elle avait naturellement un excellent caractère ; et toutes les fois qu’on lui rendait la part qu’elle se croyait due d’admiration et d’hommage (et dans son opinion cette part n’était pas médiocre), personne n’avait un meilleur cœur et un plus grand fonds de bienveillance ; mais aussi, comme tous les despotes, plus on lui cédait volontairement de pouvoir, plus elle en abusait pour étendre son empire. Quelquefois même, quand tous ses désirs étaient satisfaits, il lui plaisait de tomber dans l’abattement et de se plaindre de sa santé : alors il fallait que les médecins se missent l’esprit à la torture afin d’inventer de nouveaux noms pour des maladies imaginaires, tandis que ses dames se fatiguaient l’imagination à trouver de nouveaux jeux, de nouvelles parures, de nouvelles anecdotes scandaleuses, pour faire passer ces heures fatigantes ; et, pendant ce temps, leur propre situation n’était guère digne d’envie. Leur plus commode ressource, pour distraire la belle malade, était de se jouer les unes aux autres quelque tour malin, et la bonne reine, dans le retour de sa vivacité et de sa gaîté, ne s’inquiétait pas assez (il faut l’avouer) si de semblables espiègleries étaient convenables à sa dignité, et si la peine qu’en éprouvait celle qui en était l’objet ne surpassait pas de beaucoup le plaisir qu’en recueillait sa royale personne. Forte de l’amour de son mari, de son rang illustre, et du pouvoir qu’elle se croyait de réparer le mal que produisaient de telles malices, elle folâtrait comme une jeune lionne, qui joue sans avoir la conscience de l’acuité de ses griffes.

La reine Bérengère aimait passionnément son mari, mais elle craignait la rudesse et la fierté de son caractère, et comme elle se sentait inférieure à lui en facultés intellectuelles, elle était mécontente de voir qu’il préférait quelquefois la conversation d’Édith Plantagenet à la sienne propre, parce qu’il trouvait en elle un esprit plus étendu, des pensées et des sentiments plus élevés que chez