Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/288

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fort. Mais voici la différence qu’il y a entre toi et Blondel. Tu n’es que mon camarade, je pourrais dire même mon élève dans l’art de la guerre, et Blondel est mon maître dans la science des troubadours et des ménestrels. À toi je te permets la familiarité de l’intimité ; mais lui, je le respecte comme mon supérieur dans son art… Allons, l’ami, ne sois pas maussade, et reste ici pour entendre nos chants.

— Par ma foi, pour voir Votre Majesté de si bonne humeur, dit le lord Gilsland, je resterais à entendre Blondel jusqu’à ce qu’il eût achevé la grande romance du roi Arthur, qui dure trois jours.

— Nous ne mettrons pas ta patience à une si rude épreuve, dit le roi. Mais voici la lueur des torches du dehors qui nous annonce l’approche de notre royale épouse… Hâte-toi d’aller la recevoir, l’ami, et tâche de te faire bien voir des yeux les plus brillants de la chrétienté… Allons, ne reste pas là à ajuster ton manteau, vois-tu, tu as laissé passer Neville entre le vent et les voiles de ta galère.

— Il ne m’a jamais précédé sur le champ de bataille, » dit de Vaux fort peu satisfait de se voir devancé par le chambellan.

« Non, et ni lui ni personne ne s’y montra jamais avant toi, mon bon Tom de Gills, répondit le roi, à moins que ce ne soit nous-même de temps en temps.

— Oui, mon roi, dit de Vaux ; mais rendons aussi justice aux malheureux… L’infortuné chevalier du Léopard m’y a quelquefois précédé aussi, car voyez-vous, il pèse moins à cheval, et…

— Paix ! » dit le roi en l’interrompant d’un ton impérieux ; « pas un mot de lui… » Et en parlant ainsi il s’empressa d’aller au devant de la reine. Il lui présenta ensuite Blondel comme le roi des ménestrels et son maître dans la gaie science… Bérengère, qui n’ignorait pas que la passion de son royal époux pour la poésie et la musique égalait presque son avidité de gloire militaire, et que Blondel était surtout son favori, n’oublia rien pour le recevoir avec toutes les distinctions flatteuses dues à celui que le roi voulait honorer. Cependant, il était évident que, tout en répondant convenablement aux compliments que la belle reine faisait pleuvoir sur lui avec un peu trop d’abondance peut-être, Blondel était plus flatté et plus reconnaissant de l’accueil simple et gracieux que lui fit Édith, dont l’affabilité lui paraissait peut-être d’autant plus sincère qu’elle l’exprimait avec plus de concision et de simplicité.

La reine et son royal époux s’aperçurent tous deux de cette dis-