Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/324

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Bérengère, par quel heureux et étrange hasard cette énigme se trouve expliquée ?

— Des lettres me parvinrent d’Angleterre, répondit le roi, dans lesquelles on me mandait, entre autres nouvelles désagréables, que le roi d’Écosse s’était emparé de trois de nos barons pendant qu’ils étaient en pèlerinage à Saint-Ninian[1], et qu’il alléguait pour raison, que son héritier, qu’on supposait d’abord combattant dans les rangs des chevaliers teutoniques contre les païens de la Prusse, était en effet dans notre cour ; le roi William se proposait de retenir ces barons comme otages de la sûreté de son fils. Ce fut ce qui me donna le premier rayon de lumière sur le véritable rang du chevalier du Léopard, et mes soupçons furent confirmés par de Vaux qui, à son retour d’Ascalon, me ramena avec lui l’unique serviteur du comte de Huntingdon, un serf à crâne épais, qui avait fait trente milles pour aller dévoiler à de Vaux un secret qu’il aurait pu me communiquer à moi-même.

— Il faut excuser le vieux Strauchan, dit le lord de Gilsland ; il savait par expérience que j’ai le cœur plus tendre que si je me nommais Plantagenet.

— Toi, le cœur tendre ! toi, vieille barre de fer ! toi, rocher du Cumberland ! s’écria le roi : c’est nous autres Plantagenet qui pouvons nous vanter d’avoir des cœurs tendres et sensibles. Édith, » ajouta-t-il en se tournant vers sa cousine, avec une expression qui couvrit de rougeur les joues de la noble fille, « donne-moi ta main, belle cousine, et toi, prince d’Écosse, la tienne.

— Arrêtez, monseigneur, » dit Édith en se reculant, tandis qu’elle cherchait à cacher sa confusion en plaisantant son royal cousin, « ne vous rappelez-vous pas que ma main était destinée à convertir à la foi chrétienne le Sarrasin et l’Arabe, Saladin et toute son armée de turbans ?

— Oui, mais le vent de cette prophétie a changé, et souffle maintenant sur un autre point, répondit Richard.

— Ne raillez point, de peur que le ciel ne vous en fasse repentir, » dit l’ermite en s’approchant. « L’armée des corps célestes n’inscrit rien que de vrai dans ses brillantes annales. Ce sont les yeux de l’homme qui sont trop faibles pour en bien lire les caractères. Lorsque Saladin et Kenneth d’Écosse couchèrent dans ma grotte, je lus dans les astres que sous mon toit il reposait un prince, ennemi naturel de Richard, auquel le sort d’Édith Plantagenet devait être

  1. Abbaye de Stirling, en Écosse. a. m.