Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissance féodale et du rang de chevalier. Contre toute insulte il n’avait d’autre défense qu’un renom sans tache.

Sir Kenneth jeta un regard mélancolique autour de lui ; mais réprimant ses sensations, il entra dans la hutte en faisant signe au baron de le suivre. Celui-ci jeta un coup d’œil examinateur qui peignait la pitié, non sans un certain mélange de mépris, dont elle est aussi près peut-être que l’opinion générale veut qu’elle le soit de l’amour. Il baissa ensuite sa tête orgueilleuse pour entrer dans cette humble cabane, que sa corpulente personne sembla presque entièrement remplir.

L’intérieur de cette hutte était en partie occupé par deux lits. L’un des deux était vide et composé de feuilles sèches couvertes d’une peau d’antilope ; aux diverses pièces d’armures qui étaient à côté, et à un crucifix d’argent qu’on avait soigneusement placé à la tête, on reconnaissait celui du chevalier. Sur l’autre était étendu le malade dont sir Kenneth avait parlé, homme d’une forte constitution et de traits austères, et qui avait dépassé le milieu de la vie. Sa couche était arrangée avec plus de soin que celle de son maître, et l’on voyait que les habits de cour de ce dernier, la longue robe flottante dont les chevaliers se revêtaient quand ils n’étaient point en armes, et les autres articles de toilette qui l’accompagnaient, avaient été disposés par sir Kenneth de manière à ce que son écuyer malade fût plus mollement couché. Dans une partie extérieure de la hutte, mais qui était à portée de la vue du baron, un jeune garçon, chaussé de brodequins grossiers de peau de daim, avec un bonnet bleu et un justaucorps dont la fraîcheur primitive était fort ternie, était à genoux auprès d’un réchaud rempli de charbon, et faisait cuire sur une plaque de fer les gâteaux d’orge qui étaient alors et sont encore aujourd’hui la nourriture favorite des Écossais. Un quartier d’antilope était pendu à un des principaux supports de la hutte, et la manière dont on se l’était procuré était facilement expliquée par la présence d’un grand lévrier supérieur en taille et en beauté à ceux que nous avons représentés auprès du lit de Richard, et qui semblait surveiller la cuisson des gâteaux. Le pénétrant animal, à l’entrée des chevaliers dans la hutte, fit entendre un grondement étouffé qui retentit dans sa large poitrine comme le bruit d’un tonnerre lointain ; mais voyant son maître, il l’accueillit en remuant la queue et en baissant la tête, s’abstenant de lui faire des caresses plus vives et plus bruyantes, comme si son noble instinct lui eût fait deviner qu’il faut garder le silence dans la chambre d’un malade.