Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/25

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tourmenté un cœur qui vous aime si tendrement ? — Permettez-moi de vous prier, milord, de laisser là ces étranges discours… il ne vous convient pas de les tenir, pas plus qu’à moi de les écouter. Nous sommes d’un humble rang, mais de mœurs honnêtes ; et la présence du père devrait protéger l’enfant contre de telles expressions, même de la part de Votre Seigneurie. »

Elle prononça ces paroles si bas, que ni son père ni Conachar ne purent comprendre ce qu’elle disait.

« Eh bien ! tyran, » répliqua l’amant obstiné, « je ne vous tourmenterai pas plus long-temps, à condition que vous me promettrez de vous montrer demain matin à votre fenêtre quand le soleil commencera à briller sur la montagne de l’est, et me donnerez ainsi le droit d’être votre Valentin pour l’année. — Cela ne sera pas, milord ; mon père vient de me dire encore que l’épervier, et l’aigle moins encore, ne peut frayer avec l’humble linotte. Cherchez quelque dame de cour pour qui vos attentions seront un honneur. Quant à moi… Votre Grandeur doit me permettre de dire toute la vérité… elles ne peuvent que me nuire… »

Tout en causant ainsi, on arriva à la porte de l’église. « Votre Seigneurie nous permettra, j’espère, de prendre ici congé d’elle, dit le père. Je n’ignore nullement que vous ne changerez jamais rien à vos amusements parce qu’ils pourraient causer de la peine et de l’embarras à des gens comme nous ; mais d’après la foule qui assiège la porte, Votre Seigneurie peut voir qu’il y a d’autres personnes dans l’église à qui Votre gracieuse Seigneurie elle-même doit témoigner du respect. — Oui… du respect ; et qui me témoigne du respect, à moi ? » dit l’orgueilleux jeune lord ; « un misérable artisan et sa fille, beaucoup trop honorés de l’attention que je leur donne en passant, ont l’insolence de me dire que mon attention les déshonore. Eh bien ! ma princesse de peau de daim et de soie bleue, je saurai vous en faire repentir. »

Tandis qu’il murmurait ces mots, le gantier et sa fille entrèrent dans l’église des dominicains, et leur apprenti Conachar, en s’efforçant de les suivre de près, heurta le jeune noble d’une manière qui n’était peut-être pas tout à fait involontaire. Le galant, sortant de sa désagréable rêverie, et croyant avoir reçu une insulte préméditée, saisit le jeune homme par la poitrine, le secoua et le repoussa loin de lui. Le jeune apprenti, courroucé, reprit l’équilibre avec quelque peine, et porta la main à son côté, comme s’il eût cherché une épée ou une dague à l’endroit où on