Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/36

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querelles et combats sont affaires d’hommes, non de femmes, et il ne convient pas aux filles d’y songer ou d’en parler. — Mais quand elles se passent si brutalement en notre présence, on ne peut guère s’attendre que nous pensions ou parlions d’autre chose. Je vous accorderai, mon père, que ce vaillant bourgeois de Perth ait le meilleur naturel de tous les habitants de cette ville : qu’il se détournerait de cent pas hors de son chemin plutôt que d’écraser un ver ; qu’il lui répugnerait autant de tuer inutilement une araignée, que s’il était un parent du roi Robert d’heureuse mémoire[1] ; que, dans la dernière querelle qu’il eut avant son départ, il s’est battu contre quatre bouchers pour les empêcher d’assommer un pauvre mâtin dont le courage avait failli dans un combat de taureau, et qu’il n’a échappé qu’à grand’peine au sort du chien qu’il protégeait. Je vous accorderai aussi que le pauvre ne passe jamais devant la maison du riche armurier sans recevoir des aliments et des aumônes. Mais à quoi bon, si son épée fait autant d’orphelins affamés et de veuves sans ressources que sa bourse en secourt ? — Voyons, Catherine, écoute seulement un mot avant de lancer contre notre ami une kyrielle de reproches qui ont une apparence de raison, tandis qu’en réalité ils ne s’accordent pas avec tout ce que nous entendons dire et ce que nous voyons autour de nous. Que vont voir avec tant d’empressement notre roi et sa cour, nos chevaliers et leurs dames ? Nos abbés, nos moines, nos prêtres eux-mêmes, ne courent-ils pas contempler la magnificence de la chevalerie, admirer les galants exploits des braves champions en champ clos et dans les tournois, s’étonner des faits d’honneur et de gloire accomplis avec des armes et du sang ? Que font ces fiers chevaliers, si ce n’est ce que notre bon Henri Cow fait dans sa sphère ? Entendit-on jamais dire qu’il abusa de son adresse et de sa force pour nuire ou opprimer ? Et qui ne sait combien de fois il a fait servir ces qualités pour la bonne cause de la bourgeoisie ? et toi, seule de toutes les filles, ne t’estimerais-tu pas honorée et glorieuse qu’un cœur si vrai et un bras si vigoureux appartinssent à un homme qui t’aime ? En quoi les plus fières dames mettent-elles leur plus cher orgueil, sinon dans les prouesses de leur chevalier ? Et le plus courageux chevalier d’Écosse a-t-il accompli plus de galants exploits que mon brave fils Henri, malgré son humble naissance ? N’est-il pas connu

  1. On se rappelle que Robert Bruce avait cru voir dans le tissu d’une araignée l’image de sa prochaine victoire. a. m.