Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/50

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percé d’une flèche d’or et renfermé dans une petite bourse faite d’anneaux en acier, travail digne de l’armure d’un roi. Autour de la charnière on lisait ces mots :

À travers l’acier protecteur,
Les traits d’amour percent un cœur.

Cette devise avait coûté quelques réflexions à l’armurier, et il était ravi de sa composition, parce qu’elle semblait indiquer que son habileté pourrait défendre tous les cœurs, hormis le sien. Il s’enveloppa dans son manteau, et marcha lestement par les rues encore silencieuses, voulant se trouver en face de la fenêtre désignée un peu avant le point du jour.

Dans cette intention il traversa High-Street, et à l’endroit où l’on voit aujourd’hui l’église de Saint-Jean, il enfila une ruelle pour gagner Couvrefew-Street. Il s’aperçut alors, à l’épaisseur des ténèbres, qu’il était parti au moins une heure trop tôt pour son projet, et il réfléchit qu’il vaudrait mieux n’arriver au rendez-vous qu’à peu près à l’heure marquée. Il était assez probable que d’autres galants seraient, comme lui, aux aguets devant la maison de la Jolie Fille de Perth ; et il connaissait trop son faible pour ne pas sentir qu’il faudrait dégainer s’il restait là. « L’amitié de mon père Simon, pensa-t-il, m’assure la préférence sur mes rivaux ; et pourquoi souillerais-je mes doigts du sang de pauvres créatures d’autant moins dignes de mon attention qu’elles sont moins heureuses que moi ? Non… non… Je serai sage une fois, et m’éloignerai de toute occasion de disputes. Ils n’auront pas plus de temps pour me chercher querelle qu’il n’en faudra à moi pour donner le signal, et au père Simon pour y répondre. Je ne sais comment le vieillard parviendra à faire mettre sa fille à la fenêtre. Si elle entrevoit son dessein, j’ai peur qu’il n’ait grand’peine à l’exécuter. »

Tandis que ces amoureuses pensées traversaient son esprit, l’armurier se promenait lentement, tournant souvent les yeux vers l’orient, regardant sans cesse le ciel où ne se montrait encore aucune teinte grise qui annonçât l’approche de l’aurore ; il semblait à l’impatience du robuste armurier que le jour tardait plus que de coutume à dorer le faîte de la tour orientale. Il passait alors sous les murs de la chapelle Sainte-Anne, ne manquant pas de se résigner et de dire un Ave, en marchant en terre sainte, lorsqu’une voix qui semblait partir de derrière un des arcs-bou-