Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/10

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dans la Solway, cachaient leur modeste origine, comme de pieux solitaires se dérobent aux yeux du monde.

Le paysage était encore éclairé par les rayons du soleil couchant, qui, tantôt se réfléchissaient dans des marais ou des cours d’eau ; tantôt s’arrêtaient sur d’énormes rochers grisâtres qui encombraient alors le sol, mais que le travail de l’agriculture a depuis fait disparaître ; tantôt enfin ils se contentaient de dorer les bords d’un ruisseau, prenant alors successivement une teinte grise, verte ou rougeâtre, suivant que le terrain lui-même présentait des rocs, du gazon, ou formait de loin comme un rempart de porphyre d’un rouge foncé. Parfois aussi l’œil pouvait se reposer sur la vaste étendue d’un marécage brunâtre et sombre, tandis que les jaunes rayons du soleil étaient renvoyés par un petit lac, par une nappe d’eau claire dans la montagne, dont le brillant, comme celui des yeux dans la figure humaine, donnait la vie et le mouvement à tout l’ensemble.

Le plus âgé et le plus robuste des deux voyageurs était un homme bien mis et même richement habillé, par rapport aux modes du temps. Il portait sur son dos, suivant la coutume des ménestrels ambulants, une boîte qui renfermait une petite harpe, une guitare, une viole ou quelque autre instrument de musique propre à l’accompagnement de la voix : la caisse de cuir l’annonçait d’une manière incontestable, quoique sans indiquer la nature exacte de l’instrument. La couleur du pourpoint de ce voyageur était bleue, celle de ses chausses était violette, avec des crevés qui montraient une doublure de même couleur que la jaquette. Un manteau aurait dû, suivant la coutume ordinaire, recouvrir ce costume ; mais la chaleur du soleil, quoique la saison nouvelle fût encore peu avancée, avait forcé le ménestrel de le plier en le serrant autant que possible, et d’en former un paquet long qu’il avait attaché autour de ses épaules, comme la redingote militaire de notre infanterie. La netteté avec laquelle ce manteau était arrangé dénotait un voyageur qui connaissait depuis long-temps et par expérience toutes les ressources nécessaires contre les changements de temps. Une grande quantité de rubans étroits ou aiguillettes, servant chez nos ancêtres à joindre leur pourpoint avec leurs chausses, entourait tout son corps d’une espèce de cordon composé de nœuds bleus et violets, correspondant ainsi pour la couleur avec les deux parties de l’habillement. La toque ordinairement portée avec ce riche costume était celle que les peintres donnent à Henri VIII et à son fils