Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/104

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rellement vers le lieu de ses travaux. Sa main soutenait un flambeau, ou plutôt une petite lampe, qu’il tourna de manière à éclairer le visage de l’étranger ; en même temps il laissa voir au jeune chevalier les traits de l’homme en face duquel il se trouvait ; et ces traits, quoique ni beaux ni agréables, étaient imposants, subtils et vénérables ; ils portaient un certain air de dignité, que l’âge et même la simple pauvreté peuvent donner parfois, attendu qu’il en résulte cette dernière et mélancolique espèce d’indépendance propre aux gens dont la situation peut à peine, par aucun moyen imaginable, être rendue pire que ne l’ont déjà faite les années et la fortune. L’habit de frère lai ajoutait à son extérieur une sorte de caractère religieux.

« Que me voulez-vous, jeune homme ? dit le fossoyeur. Votre air de jeunesse et vos gais vêtements indiquent une personne qui n’a besoin de mon ministère ni pour elle-même ni pour d’autres. — Je suis, il est vrai, répliqua le chevalier, un homme vivant, et en conséquence je n’ai pas besoin que la pioche ou la pelle travaille pour moi ; je ne suis pas, comme vous voyez, vêtu de deuil, et en conséquence je ne viens point réclamer votre office pour un ami ; mais je voudrais vous adresser quelques questions. — Il faut nécessairement vouloir ce que vous voulez, puisque vous êtes à présent un de nos maîtres, et, comme je pense, un homme puissant, répliqua le fossoyeur. Suivez-moi par ici dans ma pauvre habitation. J’en ai eu une meilleure dans mon temps : néanmoins, le ciel le sait, celle-ci est assez bonne pour moi, lorsque bien des gens de plus grande importance sont réduits à se contenter d’une demeure encore plus chétive. »

Il ouvrit une porte basse qui fermait, quoique grossièrement, l’entrée d’un appartement voûté, où il paraissait que le vieillard avait, loin du monde des vivants, établi sa misérable et solitaire demeure. Le sol, composé de larges dalles, réunies ensemble avec un certain soin, et çà et là couvertes de lettres et d’hiéroglyphes comme si elles avaient jadis servi à distinguer des sépulcres, était assez bien balayé : un feu qui brûlait à l’autre extrémité de la chambre dirigeait sa fumée par un trou qui servait de cheminée. La pioche et la pelle, ainsi que d’autres instruments dont fait usage le chambellan de la mort, gisaient épars dans l’appartement, et, avec deux ou trois escabelles grossières et une table, pour la confection desquelles quelque main inexpérimentée s’était probablement acquittée du travail d’un menuisier, formaient pres-