Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/124

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faite fut sir John de Walton ; et comme son acceptation a été subordonnée à une clause « sauf approbation du roi, » j’espère qu’il n’a rien perdu dans la faveur d’Édouard. — Soyez-en convaincue, magnanime jeune fille, répliqua la nonne : il n’est pas à craindre que votre généreux dévouement nuise à votre amant dans l’esprit du roi d’Angleterre. Nous entendons quelquefois parler des choses du monde dans ce coin retiré du cloître de Sainte-Brigitte ; et le bruit court parmi les soldats anglais que le roi fut sans doute offensé en vous voyant mettre votre volonté en opposition avec la sienne, mais que, d’un autre côté, sir John de Walton était un homme d’une si brillante réputation, votre offre rappelait si bien une époque meilleure et non oubliée, que le roi ne pouvait, au commencement d’une guerre dangereuse, priver un chevalier errant de sa fiancée, s’il la conquérait convenablement par sa lance et son épée. — Ah ! chère sœur Ursule ! » soupira le pèlerin déguisé ; « mais quels ne sont pas les périls qu’il faut surmonter pour que notre amour parvienne enfin au but ! Tant que je demeurai dans mon château solitaire, nouvelles sur nouvelles vinrent m’alarmer sur les nombreux ou plutôt les constants dangers qui entouraient mon amant ; enfin, dans un moment de folie, je résolus de partir sous ce déguisement d’homme. Je voulais voir moi-même dans quelle situation se trouvait mon chevalier, pour me décider ensuite à prendre quelque moyen d’abréger son temps d’épreuve : la vue du château de Douglas, ou, pourquoi le nierais-je ? celle de sir John de Walton devait seule m’inspirer. Peut-être, ma chère sœur, ne vous est-il pas possible de comprendre combien j’étais tentée de renoncer à une résolution que j’avais prise dans l’intérêt de mon propre honneur et de celui de mon amant ; mais songez que cette résolution avait été dictée par un moment d’enthousiasme, et que la démarche à laquelle je me décidai était la conséquence assez naturelle d’un état d’incertitude, long, pénible, accablant, dont l’effet était d’affaiblir mon âme si exaltée autrefois par l’amour de mon pays, à ce qu’il me semblait, mais en réalité, hélas ! par des sentiments très passionnés et d’une nature bien plus personnelle. — Hélas ! » dit sœur Ursule, avec un profond intérêt, « croyez-vous donc que l’air de cette enceinte ait sur le cœur féminin la vertu de ces merveilleuses fontaines qui pétrifient, dit-on, les substances plongées dans leurs eaux ? Écoutez mon histoire, et jugez ensuite s’il en peut être ainsi d’une infortunée qui a tant de causes de chagrin. Ne craignez pas que nous perdions du temps :