Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/128

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à eux dévoués, qui ont aujourd’hui le gouvernement absolu de la communauté, et n’en usent que suivant le bon plaisir des Anglais. Mais moi, qui ai eu l’honneur d’être défendue par les armes de Wallace, je ne resterai pas dans cette maison pour être conduite par cet abbé Jérôme. J’en sortirai, et j’espère ne manquer ni de parents ni d’amis qui procureront à Marguerite de Hautlieu un refuge plus convenable que le couvent de Sainte-Brigitte ; vous obtiendrez aussi votre liberté, ma chère Augusta, et vous ferez bien de laisser ici un billet qui informe sir John de Walton du dévoûment que son heureux destin vous a inspiré. — Votre intention, dit lady Augusta, n’est donc point de rentrer dans le monde ? Vous renoncerez donc à votre amant et à l’union qui devait faire votre bonheur commun. — C’est une question, ma chère enfant, répliqua sœur Ursule, que je n’ose m’adresser à moi-même, et je ne sais quelle réponse on pourrait y faire. Je n’ai point prononcé de vœux définitifs et irrévocables ; rien n’a changé ma position à l’égard de Malcolm Fleming. Quant à lui, il est mon fiancé en face du ciel : je suis sûre d’être toujours digne de lui, et de n’avoir sous aucun rapport mérité un manque de foi. Mais je vous avoue, ma chère lady Augusta, que des bruits très alarmants sont parvenus jusqu’à mes oreilles ; on dit que la nouvelle du fatal changement de tous mes traits a bien refroidi le cœur de Malcolm. Je suis pauvre maintenant, ajouta-t-elle avec un soupir, et je ne possède plus ces charmes personnels qui attirent l’amour et fixent la fidélité des hommes. Je m’efforce donc de penser, dans mes moments de ferme résolution, que tout est fini entre Fleming et moi, sauf la bienveillance que nous pourrons toujours garder l’un à l’égard de l’autre. Et néanmoins il y a encore dans mon cœur une voix qui me dit, en dépit de ma raison, que, si je pouvais croire ce que je dis en ce moment, rien au monde ne saurait me faire supporter la vie. Cette voix séduisante murmure au fond de mon âme contre ma raison et mon jugement, que Malcolm Fleming, qui pourrait tout sacrifier pour le service de son pays, ne peut nourrir dans une âme si généreuse ce défaut vulgaire des hommes grossiers. Il me semble que si le changement lui fût arrivé et non à moi, il ne perdrait rien à mes yeux pour être sillonné d’honorables cicatrices, reçues en combattant pour sa liberté ; mais ces blessures, dans mon opinion, ajouteraient même à son mérite, quoiqu’elles enlevassent de sa beauté physique. Il me vient parfois à l’esprit que Malcolm et Marguerite pourraient être encore l’un à l’autre tout ce qu’ils rêvèrent jadis avec tant de sécurité : un