Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/139

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malgré tout le respect qu’on lui doit, c’est au caprice de cette dame elle-même. Pensez donc en homme, en soldat. Supposez que vous ou moi, voulant éprouver la fidélité de nos sentinelles, ou pour toute autre raison, bonne ou mauvaise, nous essayions de pénétrer dans ce dangereux château de Douglas, sans donner le mot d’ordre aux gardes : aurions-nous le droit de blâmer les soldats de faction si, ne nous reconnaissant pas, ils nous refusaient bravement l’entrée, nous faisaient prisonniers ou nous maltraitaient en repoussant notre attaque, pour obéir aux ordres que nous leur avons nous-mêmes donnés ? Où est la différence entre ces sentinelles et vous, sir John de Walton, dans cette curieuse affaire, qui, par le ciel ! servirait plutôt de sujet aux vers légers de cet excellent barde, que de texte à un lai tragique ? Allons, quittez cet air sombre, de Walton ; mettez-vous en colère, si vous le voulez, contre la belle qui a commis un tel acte de folie, ou contre moi qui ai galopé toute la nuit et qui ai éreinté mon meilleur cheval, quoique j’ignore absolument comment je pourrai m’en procurer un autre avant d’être réconcilié avec mon oncle de Pembroke ; ou enfin, si vous désirez être tout-à-fait absurde dans votre colère, dirigez-la contre ce digne ménestrel, à cause de sa rare fidélité : punissez-le d’une conduite pour laquelle il mériterait une chaîne d’or. Mettez-vous en fureur, si bon vous semble, mais chassez ce sombre désespoir : il ne sied pas au front d’un homme et d’un chevalier. »

Sir John de Walton fit un effort pour parler, et y parvint avec quelque peine.

« Aymer de Valence, dit-il, irriter un furieux, c’est jouer avec sa propre vie. » Et il se tut.

« Je suis content que vous puissiez au moins parler ainsi, répliqua le jeune homme ; car je ne plaisantais pas lorsque je vous disais que je voudrais vous voir en colère contre moi, au lieu de rejeter tout le blâme sur vous-même. Il serait courtois, je pense, de remettre immédiatement ce ménestrel en liberté ; cependant, dans l’intérêt de sa maîtresse, je le supplierai d’être notre hôte jusqu’à ce que lady Augusta de Berkely nous fasse le même honneur : il voudra bien nous aider à découvrir l’endroit où cette dame s’est réfugiée… Bon ménestrel, continua-t-il, vous m’entendez, et vous ne serez pas surpris, je pense, de vous trouver, avec le respect et les traitements convenables, retenu pendant un court espace de temps dans ce château de Douglas ? — Vous semblez, sire chevalier, répliqua le ménestrel, ne pas tant considérer le droit de faire ce