Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/161

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Le pays était ombragé par des chênes épais, au milieu desquels s’élevaient quelques restes de bâtiments, les mêmes peut-être qu’elle venait de traverser. Une limpide fontaine d’eau vive jaillissait de dessous les racines entrelacées d’un de ces arbres : la jeune dame but quelques gouttes du liquide élément, et y lava son visage qui avait reçu plus d’une égratignure pendant le cours du voyage, en dépit du soin et presque de la tendresse avec laquelle on l’avait portée vers la fin. L’eau fraîche arrêta promptement le sang qui sortait de ces légères blessures, et en même temps elle servit à ranimer les sens de la malheureuse Augusta. Sa première idée fut d’examiner si une tentative d’évasion, dans le cas où elle serait possible, ne serait pas convenable. Mais un moment de réflexion la convainquit de l’absurdité d’un pareil projet ; et cette seconde pensée lui fut confirmée par le retour du gigantesque Turnbull, dont elle avait entendu la voix rude avant d’apercevoir sa figure.

« Étiez-vous impatiente de me voir revenir, belle dame ? les gens de ma sorte, » continua-t-il d’un ton de voix ironique, « toujours les premiers à la chasse des daims sauvages et des habitants des forêts, ne sont pas dans l’habitude de rester en arrière quand de belles dames comme vous sont l’objet de la poursuite ; et si je ne suis pas un guide aussi constant que vous pourriez le désirer, croyez-moi, c’est que j’ai à m’occuper d’autres affaires auxquelles je dois sacrifier momentanément même le plaisir de demeurer avec vous. — Je ne fais aucune résistance, dit la dame ; dispensez-vous donc, en vous acquittant de votre devoir, d’ajouter encore à mes peines par votre conversation : votre maître m’a donné sa parole qu’il ne souffrirait pas que je fusse insultée. — Allons, la belle, allons ! répliqua le chasseur, j’avais toujours pensé qu’il était bien de se concilier la bienveillance des dames par de douces paroles ; mais si cela vous déplaît, je n’éprouve pas tant de plaisir, moi, à courir après de belles phrases endimanchées, que je ne puisse tout aussi bien me taire. Avançons donc, puisqu’il faut que nous voyions votre bien-aimé avant la fin de la matinée, et qu’il nous apprenne sa résolution définitive relativement à une affaire si compliquée ; je ne vous adresserai plus un mot, comme femme, mais je vous parlerai comme à une personne sensée, quoique anglaise. — Vous rempliriez mieux, répondit Augusta, les intentions de ceux dont vous exécutez les ordres en n’ayant avec moi d’autres relations que celle qui est nécessitée par vos fonctions de guide. »

L’homme fronça le sourcil : cependant il parut consentir à ce