Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/171

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Augusta de Berkely, lorsque vraisemblablement il devait bien connaître tous les motifs et toutes les circonstances du voyage de cette dame en Écosse. Il était donc politique de se concilier sa bienveillance, et de Walton avait engagé son fidèle archer Gilbert à mettre de côté tout soupçon contre Bertram, mais en même temps à ne pas le perdre de vue ; et, s’il était possible, à le tenir en bonne disposition à l’égard du gouverneur et de la garnison. En conséquence, Greenleaf ne doutait point à part lui que le seul moyen de plaire au ménestrel ne fût d’écouter avec patience et admiration les airs qu’il lui plairait le plus de chanter, ou les histoires qu’il aimait le mieux à conter ; et afin d’assurer l’exécution des ordres de son maître, il jugea nécessaire de demander au sommelier telle provision de bonne liqueur qui ne pouvait manquer de rendre sa société encore plus agréable.

Après s’être de la sorte muni des moyens de supporter une longue entrevue avec le ménestrel, Gilbert lui proposa d’ouvrir le tête-à-tête par un bon et copieux déjeuner qu’ils pourraient arroser d’un verre de vin d’Espagne ; et comme son maître lui avait recommandé de montrer au ménestrel tout ce qu’il pourrait désirer voir dans le château, il ajouta qu’il leur serait possible, pour se délasser l’esprit, d’accompagner une partie de la garnison de Douglas au service du jour, qui, comme nous l’avons déjà dit, était célébré avec une grande pompe. Le ménestrel ne trouva rien à objecter à une telle proposition, car il était bon chrétien par principes, et bon vivant comme professeur de la gaie science ; et en conséquence, lui et son camarade, qui précédemment ne se portaient pas beaucoup de bienveillance l’un l’autre, commencèrent leur repas du matin, ce fatal dimanche des Rameaux, avec une grande cordialité et une confiance réciproque.

« Ne croyez pas, digne ménestrel, dit l’archer, que mon maître ravale le moins du monde de votre mérite ou de votre rang, parce qu’il vous renvoie à la société et à la conversation d’un pauvre homme tel que moi. Il est vrai, je ne suis pas officier dans cette garnison ; cependant, comme vieil archer qui manie voilà trente ans l’arc et la flèche, je n’ai pas moins de part, et j’en remercie Notre-Dame… dans la faveur de sir John de Walton, du comte de Pembroke, et d’autres guerriers, que la plupart de ces jeunes gens à têtes folles, auxquels on confie des brevets et qu’on charge de missions importantes, non à cause de ce qu’ils ont fait, mais de ce qu’ont fait leurs ancêtres avant eux. Je vous prie de remarquer