Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/187

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je l’ai fait ! car je ne saurais alléguer que ma sincère et bonne intention en excuse du conseil erroné que je vous ai donné, à vous ainsi qu’à d’autres, touchant ces guerres. Je reconnais qu’en vous excitant à teindre vos épées dans le sang, j’ai violé jusqu’à un certain point le caractère de ma profession, qui défend et de répandre le sang et de faire que d’autres le répandent. Puisse le ciel nous mettre à même de remplir nos devoirs et de nous repentir de nos erreurs, particulièrement de celles qui ont occasioné la mort ou le malheur de nos semblables ! et surtout puisse le chrétien mourant reconnaître ses fautes, et se repentir avec sincérité d’avoir fait à autrui ce qu’il n’aurait pas voulu qu’on lui fît ! — Quant à cette affaire, répliqua Turnbull, je n’ai jamais vu le temps où je n’aie pas été prêt à échanger un coup avec l’homme le plus brave ; et si je n’ai pas toujours manié l’épée, c’est parce que j’avais appris à faire usage de la hache d’armes de Jedwood, que les Anglais appellent pertuisane, et qui ne diffère guère, suivant moi, de l’épée ni du poignard. — La différence n’est pas grande, sans doute, dit l’évêque ; mais je crains, mon ami, que la mort donnée avec ce que vous appelez la hache de Jedwood ne vous vaille aucune préférence sur celui qui commet le même mal avec toute autre arme. — À coup sûr, digne père, répliqua le pénitent, je dois convenir que l’effet des armes est le même, en ce qui concerne l’homme qui reçoit le coup ; mais je demanderai à votre science pourquoi un homme de Jedwood ne se servirait pas d’une hache de Jedwood, qui est, ainsi que le nom l’indique, l’arme offensive propre à son pays. — Le crime de meurtre, répondit l’évêque, ne consiste pas dans l’arme avec laquelle le crime est commis, mais dans le mal que le meurtrier fait à son semblable, et dans le désordre qu’il introduit au sein de la création paisible et régulière du roi des cieux. C’est en vous repentant de ce crime que vous pouvez fléchir le ciel irrité de vos offenses, et en même temps échapper aux conséquences que doit avoir, suivant les saintes Écritures, l’effusion du sang. — Mais, bon père, répliqua le blessé, vous le savez aussi bien que personne, dans cette compagnie et même dans cette église, il y a des vingtaines d’Écossais et d’Anglais sur le qui-vive, qui ne sont pas tant venus ici pour remplir les devoirs religieux de ce jour, que littéralement pour s’arracher la vie les uns aux autres, et donner un nouvel exemple de l’horreur des guerres que se font l’une à l’autre les deux portions de la Bretagne. Quelle conduite doit donc tenir un pauvre homme comme moi ? Ne dois-je pas lever contre