Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/20

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aussi habile ménestrel que toi, demandant l’hospitalité pour une nuit. Je suis honteux de le dire, il faut que je fasse ce qu’ils veulent dans ma propre maison. Ventrebleu ! si mon brave seigneur était en possession de ses biens, j’ai encore assez de cœur et de force pour les chasser tous de chez moi comme… comme… — Parlez franchement, interrompit Bertram, comme cette bande d’Anglais vagabonds venus de Redesdale, que je vous ai vu expulser de votre maison, ainsi qu’une portée de petits chiens aveugles. Certes, aucun d’entre eux ne retourna la tête pour voir qui leur faisait cette politesse, avant qu’ils fussent à mi-chemin de Cairntable. — Oui, » répliqua l’Écossais en se redressant et en grandissant d’au moins six pouces ; « alors j’avais une maison à moi, une cause à défendre et un bras pour combattre ; maintenant je suis… Qu’importe qui je sois ! le plus noble seigneur d’Écosse est aussi à plaindre que moi. — Vraiment, mon ami, reprit Bertram, vous considérez maintenant la chose sous le juste point de vue. Je ne dis pas qu’en ce monde l’homme le plus sage, le plus riche ou le plus fort, a le droit de tyranniser ses voisins, parce que celui-ci est le plus faible, le plus ignorant, le plus pauvre ; mais encore, quand une lutte de ce genre s’est une fois engagée, il faut bien se soumettre au cours des choses : or, dans une bataille, ce sera toujours la richesse, la force, la science, qui triompheront. — Avec votre permission cependant, répondit Dickson, le parti le plus faible, s’il réunit tous ses efforts et tous ses moyens, peut à la longue exercer contre l’auteur de ses maux une vengeance qui le dédommagera du moins de sa soumission temporaire ; et il agit bien simplement comme homme, bien sottement comme Écossais, celui qui endure ces injustices avec l’insensibilité d’un idiot, ou qui cherche à s’en venger avant le temps marqué par le ciel… Mais si je vous parle ainsi, vous allez, comme l’ont déjà fait plusieurs de vos compatriotes, refuser d’accepter une bouchée de pain et un logement pour la nuit dans une maison où vous pourriez ne vous éveiller au matin que pour vider avec du sang une querelle nationale. — Non, non, répliqua Bertram ; il y a long-temps que nous nous connaissons, et je ne redoute pas plus de rencontrer de la haine dans votre maison que vous ne me supposez l’intention d’aggraver encore les maux dont vous vous plaignez. — Soit ! c’est pourquoi vous êtes, mon vieil ami, le bienvenu dans ma demeure, tout comme au temps où nul hôte n’y entrait sans mon invitation… Quant à vous, mon jeune ami, maître Augustin, nous prendrons autant soin de vous que si vous arriviez avec un front