Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/208

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sur la Misère[1]. Dans quelques unes, des solives vernies par la suie subsistaient encore en tout ou en partie comme des squelettes d’édifices ; et quelques huttes, à peu près couvertes de chaume, semblaient encore habitées, bien qu’à peine habitables ; car la fumée des feux de tourbe à l’aide desquels le villageois préparait son humble nourriture s’échappait non seulement des cheminées, son issue naturelle, mais encore des différentes crevasses de la toiture. Cependant la nature, qui change toujours, mais qui renouvelle en changeant, compensait, par l’exubérance de la végétation, la décadence sans cesse plus marquée des travaux de l’homme. De modestes arbustes, autrefois plantés autour des petits jardins, étaient maintenant de grands arbres forestiers ; les arbres fruitiers avaient étendu leurs branches au delà des limites étroites des enclos, et les haies s’étaient élancées en buissons touffus et irréguliers, tandis que des myriades d’orties, de liserons et de ciguë, cachant les ruines des murailles, se hâtaient de changer cette scène de désolation en une lisière pittoresque de forêts.

Cependant il existait encore à Saint-Ronan deux maisons en assez bon état ; elles servaient, l’une aux besoins spirituels des habitants, l’autre aux besoins terrestres des voyageurs : c’étaient la manse[2] du pasteur et l’auberge du village. Nous dirons seulement de la première, qu’elle ne faisait pas exception à la règle générale que les propriétaires écossais semblent s’être imposée de loger leurs ministres dans les maisons les moins coûteuses, mais les plus laides et les plus incommodes que le génie du maçon puisse inventer. Elle avait le nombre ordinaire de cheminées, c’est-à-dire deux, qui, s’élevant comme deux oreilles d’âne à l’une et à l’autre extrémité, répondaient aussi mal que de coutume au dessein pour lequel elles avaient été construites. L’édifice ouvrait à la furie des éléments toutes les portes et ouvertures d’usage, sujet habituel des plaintes qu’un ministre écossais adresse à ses frères, les membres de la paroisse. Enfin, pour compléter le tableau, le pasteur étant célibataire, les pourceaux n’étaient exclus ni du jardin ni de la cour ; les carreaux de vitre cassés étaient réparés avec du papier gris ; et le désordre et la malpropreté d’une petite ferme occupée par un paysan ruiné déshonoraient l’asile d’un homme qui, indépendamment

  1. Figure littéralement traduite.
  2. The clergyman’s manse, c’est-à-dire le presbytère ; dénomination encore usitée en Écosse. a. m.