Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/216

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à chanter, et pourquoi non ? Leur écot monte juste à une pinte d’Écosse[1] par tête, et personne ne peut dire qu’ils s’en trouvent mal. Ce sont les morveux d’aujourd’hui qui ne peuvent supporter une misérable chopine, tandis que ces braves gens prennent à leur aise la grande mesure. »

Il y avait aussi une ancienne compagnie de frères du hameçon, qui venaient fréquemment d’Édimbourg visiter Saint-Ronan durant les deux saisons du printemps et de l’été. Cette classe d’hôtes convenait beaucoup à Meg, qui leur permettait chez elle beaucoup plus de latitude et de privautés qu’elle n’en accordait à personne. « Ce sont, disait-elle, de vieux et fins matois qui savent de quel côté leur pain est beurré ; vous n’en verrez aucun aller à la source, comme on appelle là-bas cette vieille mare. Non, non ; ils se lèvent de bonne heure, prennent leur parritch[2] avec leur petit verre d’eau-de-vie bien plein, s’en vont dans les montagnes, mangent leur viande froide sur la bruyère, reviennent au logis avec leur panier rempli de truites, se les font servir à leur dîner, avalent une bonne pinte d’ale, suivie d’un grand verre de punch, chantent leurs refrains ou canons, ainsi qu’ils les appellent, jusqu’à dix heures, et vont se coucher en disant : « Dieu vous bénisse ! » et pourquoi non ? »

Nous pouvons citer, en troisième lieu, quelques tapageurs venus également de la métropole pour visiter Saint-Ronan. Ils étaient attirés par l’humeur gaie de Meg, et encore plus par l’excellence de ses liquides et le bas prix de ses écots. C’étaient des membres des clubs de Helter-Skelter, de Wildfire et autres sociétés, formées tout exprès pour y dire adieu aux soucis et à la tempérance. De pareils hôtes occasionaient maint tintamarre dans la maison de Meg, et par suite mainte bourrasque dans l’humeur de ladite Meg. Ils avaient à leur disposition plus d’un moyen pour obtenir d’elle, par la flatterie ou la violence, qu’elle leur donnât encore à boire quand sa conscience lui disait qu’ils en avaient déjà par trop eu. Quelquefois ils échouaient dans cette noble entreprise, comme, par exemple, lorsque le croupier du Helter-Skelter se fit échauder avec un punch au vin, en essayant en vain d’amadouer, par un baiser, notre terrible virago ; ou lorsque le digne président du club

  1. La pinte d’Écosse est plus grande que la pinte anglaise. a. m.
  2. Parritch ou porridge, espèce de pouding écossais de gruau ou de farine d’avoine. a. m.