Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ratifs convenables, et elle était tellement absorbée par les soins de sa cuisine que ses deux servantes, à leur retour à la maison, échappèrent à la réprimande sévère qu’elle leur avait préparée. Bien plus, elle poussa si loin la complaisance que, lorsque Tyrrel traversa la cuisine pour reprendre sa valise, elle gronda sévèrement Eppie et sa paresse pour n’avoir pas porté les effets de leur nouvel hôte dans sa chambre.

Je vous remercie, mistress Meg, interrompit Tyrrel, mais j’ai quelques dessins et des couleurs dans cette valise, et je préfère toujours la porter moi-même. — Oui ; et faites-vous encore votre métier de la peinture ? dit Meg ; vous faisiez de fameux barbouillages anciennement. — Je ne puis vivre sans cela, répliqua Tyrrel ; » et prenant la valise, il fut introduit selon les règles par la servante dans une petite chambre assez propre. Là il eut bientôt la satisfaction de voir arriver un bon plat de tranches de veau en ragoût avec des légumes, et un pot d’excellente ale, que la main attentive de Meg plaça elle-même sur la table. Il ne put faire moins, pour témoigner sa reconnaissance de tant d’honneur, que de lui demander une bouteille du cachet jaune, « s’il restait encore de cet excellent vin. — S’il en reste ? Oui, il y en a et en quantité, dit Meg ; je ne le donne pas à tout le monde… Ah ! monsieur Tyrrel, vous ne vous êtes pas défait de vos vieilles habitudes ! Ma foi, si vous faites des peintures pour gagner votre vie, comme vous le dites, un peu de rhum et de l’eau vous reviendraient à meilleur marché et vous feraient autant de bien. Mais il faut que vous fassiez à votre fantaisie aujourd’hui, cela va sans dire, quand même ce devrait être pour la dernière fois. »

Meg s’empressa de sortir : ses clefs résonnaient à chacun de ses pas. Après s’être donné beaucoup de mouvement, elle revint enfin avec une bouteille de vin de Bordeaux, tel qu’on n’aurait pu s’en procurer dans aucune taverne en renom, eût-il été demandé par un duc, et quelque prix qu’il y voulût mettre. Elle ne parut pas peu satisfaite lorsque son hôte lui assura qu’il n’avait pas encore oublié l’excellent bouquet de ce bordeaux. Enfin, ces actes d’hospitalité tous accomplis, elle laissa l’étranger savourer tranquillement les mets délicieux qu’elle avait placés devant lui.

Mais Tyrrel était dans une disposition d’esprit qui défiait la puissance joyeuse de la bonne chère et du vin : pour que le cœur de l’homme cède à leur séduction, il faut qu’une secrète oppression n’en contrecarre pas l’influence. Tyrrel se trouvait dans un lieu