Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/242

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donner de justes motifs pour refuser le combat, et avec qui on court grand danger sur le terrain (car il montrait de temps à autre son talent à moucher une chandelle avec une balle de pistolet), et avec lesquelles, enfin, on ne peut trouver dans un duel ni éclat ni réputation. Il portait toujours un habit bleu avec un collet rouge, était fier et taciturne dans ses manières, mangeait des poireaux avec son fromage, et ressemblait pour le teint à un hareng saur de Hollande.

Il nous reste encore à faire mention de l’Homme de Religion… l’élégant M. Simon de Chatterly, qui était venu aux Eaux de Saint-Ronan des bords de la Cam ou de l’Isis, et qui se piquait d’abord d’une science profonde dans le grec, et en second lieu d’une grande politesse pour les dames. Pendant tous les jours de la semaine, comme mistress Dods nous l’a déjà donné à entendre, ce respectable ecclésiastique servait, à la table de whist ou dans la salle de bal, de partenaire à toutes les demoiselles ou matrones qui réclamaient ses services, et les dimanches il récitait l’office dans la salle commune pour tous ceux qui voulaient y assister. Il était aussi très fort dans l’art d’inventer les charades et de deviner les énigmes ; il jouait un peu de la flûte : enfin il assistait principalement M. Winterblossom dans l’invention de ces ingénieux et romantiques sentiers, semblables aux tranchées en zigzag qui unissent les parallèles devant une place assiégée, à l’aide desquels les promeneurs gravissaient sans peine la montagne qui commandait une si belle vue derrière l’hôtel : nos deux artistes étaient parvenus à déterminer, pour la construction de leurs chemins, cette inclinaison précise qui donne à un homme le droit d’offrir son bras, et à une dame celui de l’accepter, sans qu’il y ait rien à redire.

Il y avait encore un autre membre de ce comité choisi, M. Michel Meredith, qu’on pourrait appeler l’Homme de la Joie, ou si vous le trouvez bon, le Jack Pudding[1] de la société, dont l’emploi était de dire la meilleure plaisanterie et de chanter la meilleure chanson… qu’il savait. Malheureusement, néanmoins, ce fonctionnaire était, pour le moment, obligé de se tenir éloigné de Saint-Ronan ; car, oubliant qu’il ne portait pas en ce moment les couleurs privilégiées de sa profession, il s’était permis sur le capitaine Mac-Turc quelque plaisanterie qui avait piqué celui-ci au vif ; de sorte

  1. Jack Pudding, mot à mot, Jacques le Pouding : c’est ainsi qu’on appelle dans les sociétés anglaises celui qui est devenu un objet de risée, ou une espèce de bouffon qui amuse par des chants ou des contes. a. m.