Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/260

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lait. Je ne pense pas que vous ayez remarqué ses yeux… ils sont du plus beau noir et pleins de feu, comme ce que vous nous lisiez dans la lettre de cette dame sur Hobert Burns. — Sur ma parole, miss, vous faites des progrès, dit lady Pénélope ; je vois qu’il est temps de prendre garde à ce qu’on lit ou à ce qu’on dit devant vous… Allons, Jones, aie pitié de nous… mets un terme à cette symphonie de tasses et de soucoupes, et fais-nous commencer le premier acte du thé. — Est-ce que Sa Seigneurie entend par là le bénédicité ? dit l’honnête mistress Blower, tout occupée d’arranger un cachemire des Indes qui aurait pu servir de grande voile à un des bâtimens contrebandiers de son mari, et qu’elle étendait avec soin sur ses genoux, dans la crainte d’endommager une robe de soie à fleurs avec le thé et les gâteaux auxquels elle se proposait de faire honneur… « Est-ce que Sa Seigneurie entend par là le bénédicité ? Voilà justement le ministre qui arrive… Sa Seigneurie attend que vous bénissiez le repas, s’il vous plaît, monsieur. »

Ces paroles s’adressaient à M. Simon Chatterly qui venait d’entrer dans l’appartement en effleurant légèrement le parquet. Tout étonné, il regarda l’honnête femme à travers son lorgnon et se glissa vers la table du thé.

M. Winterblossom venait clopin-clopant après le ministre, son orteil lui ayant donné une alerte qui lui avait fait abandonner la salle à manger : quoiqu’il vît la face de la pauvre femme gonflée du désir de se procurer des renseignements sur les manières et les usages du lieu, il passa de l’autre côté sans faire attention à sa détresse.

Mais un moment après elle fut tirée d’embarras par l’entrée du docteur Quackleben. Ce savant avait pour maxime qu’un malade mérite autant d’attention qu’un autre malade, et il savait par expérience que les honoraires payés par une brave femme de Bowhead valaient autant sinon plus que ceux qu’il recevait de lady Pénélope. En conséquence, il s’assit tranquillement près de mistress Blower, et entama une longue conversation avec elle sur sa santé et sur les remèdes qui lui convenaient. La bonne dame, tout en prenant des renseignements sur le régime qu’elle devait suivre et sur ce qui se passait dans l’appartement, métamorphosait alternativement le nom de Quackleben en celui de Keckerben, de Cockleen, Kickalpin, Kickelskin, etc. Enfin le docteur, tout en causant, trouva le moyen de lui offrir un flacon d’élixir qui devait la guérir infailliblement. « Si je savais ce que je vous dois pour