Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/270

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naient, du ton d’un homme qui se préparait, s’il était nécessaire, à s’ouvrir lui-même un passage.

— Dieu me damne ! sir Bingo, le laisserez-vous sortir ? » dit Mowbray qui semblait prendre plaisir à pousser son ami dans de nouveaux embarras.

Le baronnet ainsi encouragé se plaça entre Tyrrel et la porte. Celui-ci lui lança, en appuyant sur le mot, l’épithète d’imbécile, le saisit au collet et le jeta, non sans quelque violence, hors de son passage.

« Quiconque aura quelque chose à démêler avec moi, dit-il, me trouvera au vieux village de Saint-Ronan ; » et sans attendre plus long-temps l’issue de cette agression, il sortit de l’hôtel.

En passant par la cour, il aperçut un palefrenier qui tenait par la bride un joli petit cheval portant une selle de dame.

« À qui ?… » dit Tyrrel… mais le reste de la question parut ne pouvoir sortir de ses lèvres.

Le domestique, cependant, répondit comme s’il l’avait entendu en entier : « À miss Mowbray, monsieur, de Saint-Ronan… Elle va partir… et en attendant je promène son cheval… un joli animal pour une dame, monsieur. — Elle retourne à Shaws-Castle par la route de Buckstane ? — Je le suppose, monsieur, dit le palefrenier ; c’est la plus courte, et miss Clara s’embarrasse peu des mauvais chemins. Elle vous les arpente lestement, quels qu’ils soient. »

Tyrrel laissa cet homme et sortit à la hâte de la cour… non pas cependant par la route qui conduisait à la ville, mais par un sentier qui, longeant le cours du ruisseau à travers les taillis, allait rejoindre la route que l’on suivait à cheval pour se rendre à Shaws-Castle. Le point de jonction formait un carrefour d’un aspect pittoresque appelé Buckstane : trois ou quatre chênes antiques y étendaient l’ombre de leurs longs rameaux sur un ravin profond. Là il s’assit au pied d’un arbre énorme, et, caché derrière les branches, il se mit en état d’observer la route qui venait de l’hôtel, invisible lui-même à tous ceux qui pourraient y passer.

Cependant son départ soudain avait fait une grande sensation parmi ceux qu’il venait de quitter et qui étaient portés à en tirer des conclusions peu favorables à son caractère. Sir Bingo surtout criait de plus fort en plus fort, en raison de la distance qui le séparait de son antagoniste. Dans les vieilles histoires fantastiques nous sommes toujours sûrs de voir apparaître le diable aux côtés de ceux qui nourrissent des projets dignes de l’enfer, et qui ne manquent que d’un peu