Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/273

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la facilité de retourner sur ses pas et d’éviter l’entrevue… se tenir caché jusqu’au moment où le cheval lancé au galop passerait devant lui pouvait offrir du danger pour la belle écuyère… et tandis qu’il hésitait sur le parti à prendre, il pouvait fort bien se faire qu’il manquât tout-à-fait l’occasion de se présenter à miss Mowbray. Il le sentit, forma la résolution prompte et désespérée de ne pas laisser échapper l’instant décisif ; et au moment où le chemin plus rapide força le cheval à ralentir son pas, Tyrrel parut au milieu du ravin, en face de la jeune dame et à quelques toises en avant.

Elle releva les rênes et s’arrêta comme frappée de la foudre… « Clara ! Tyrrel ! » Ce furent les seuls mots qu’ils échangèrent, jusqu’à ce que Tyrrel, traînant ses pieds aussi lentement que s’ils eussent été de plomb, diminuât graduellement la distance qui les séparait. Alors, miss Mowbray s’écria avec feu : « N’avancez pas… n’avancez pas !… J’ai supporté jusqu’ici votre présence ; mais si vous approchez davantage, j’en deviendrai folle. — Que craignez-vous ? » dit Tyrrel d’une voix sombre ; « que pouvez-vous craindre ? — Et il continua de se rapprocher jusqu’à ce qu’ils fussent à un pas l’un de l’autre.

Cependant Clara, laissant échapper la bride, joignit les mains et les éleva au ciel, murmurant d’une voix presque imperceptible :

« Grand Dieu !… si cette apparition est le fruit de mon imagination échauffée, fais-la s’évanouir ; si elle est réelle, donne-moi des forces pour la supporter !… Dites-moi, je vous en conjure, êtes-vous Francis Tyrrel ? ou n’est-ce qu’une de ces visions errantes qui ont traversé parfois mon chemin et brillé à mes yeux d’un éclat passager, sans jamais oser soutenir la fixité de mon regard. — Je suis Francis Tyrrel, répondit-il, de même que celle à qui je parle est Clara Mowbray. — Alors, Dieu ait pitié de nous deux ! » dit Clara d’un ton profondément ému.

« Qu’il en ait pitié, s’écria Tyrrel. Mais d’où vient cet excès d’agitation ?… Il n’y a qu’un moment que vous m’avez vu, miss Mowbray… votre voix résonne encore à mes oreilles… il n’y a qu’un moment que vous m’avez parlé… et cela au milieu d’étrangers… Pourquoi ne pas conserver votre sang-froid lorsque nous nous trouvons dans un lieu où aucun œil humain ne peut nous voir, aucune oreille humaine nous entendre ? — Serait-il vrai ? demanda Clara ; était-ce en effet vous-même que j’ai vu il n’y a qu’un instant ?… Je le pensais, et j’ai dit quelque chose alors… mais mon cerveau s’est bien dérangé depuis que nous ne nous sommes vus…