Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/284

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« Est-ce là tout ? Mais oui, c’est là tout, et il y en a bien assez pour me tourmenter sérieusement. Je me trouverai dans la plus grande gêne, à moins que je ne me procure une certaine somme d’argent, et je suis dans la nécessité de vous demander si vous pouvez m’aider. — Vous aider ? oui, de tout mon cœur, mais vous savez que ma bourse est légère… Plus de la moitié de mon dernier dividende s’y trouve néanmoins, et assurément, John, je serai heureuse si cette somme peut vous rendre service, surtout parce que cela prouverait que vos besoins ne sont pas considérables. — Hélas ! Clara, si vous voulez m’aider, il faut tuer la poule aux œufs d’or… il faut me prêter le capital. — Et pourquoi non, John, si cela peut vous rendre service ? n’êtes-vous pas mon tuteur naturel ? n’êtes-vous pas bon pour moi ? et ma petite fortune n’est-elle pas entièrement à votre disposition ? Je suis sûre que vous ferez tout pour le mieux. — Je crains que non, » dit Mowbray s’élançant loin d’elle, et plus embarrassé par son consentement subit et plein de confiance, qu’il ne l’eût été si elle lui eût fait des difficultés ou des remontrances.

« Dieu me damne ! murmura-t-il, c’est tirer le lièvre au gîte… » Puis il ajouta tout haut : « Clara, je crains que cet argent ne soit pas employé comme vous pourriez le désirer. — Employez-le de la manière qui vous fera le plus de plaisir à vous-même, mon frère, et je trouverai tout pour le mieux. — Ainsi, tout ce qui vous reste à faire, répliqua-t-il, est de copier ce papier, et de dire adieu à vos dividendes… pour quelque temps du moins. J’espère vous doubler bientôt cette petite somme, si la fortune me favorise. — Ne vous fiez pas à la fortune, John, » dit Clara en souriant, quoique avec une expression de mélancolie profonde ; « hélas ! elle n’a jamais été l’amie de notre famille, du moins depuis bien des années. — Elle favorise les audacieux, dit mon vieux rudiment, et il faut que je me confie à elle, fût-elle aussi changeante qu’une girouette et néanmoins… si elle me trompait !… que ferez-vous… que direz-vous, Clara, s’il m’est impossible, contrairement à mes espérances, de vous rendre cet argent sous peu de temps ? — Ce que je ferai ? je m’en passerai, comme vous sentez ; quant à ce que je dirai, je n’en ouvrirai pas la bouche. — C’est vrai ; mais vos petites dépenses, vos charités, vos pauvres et vos infirmes. — Oh ! j’arrangerai bien tout cela. Voyez-vous, là, John, combien de bagatelles à moitié finies ? L’aiguille et le crayon sont la ressource de toutes les héroïnes dans la détresse, et je vous promets,