Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/288

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répondu par cette autre : « Qui pouvez-vous être, vous qui parlez. »

Le capitaine, sans mot dire, tira de sa poche la cinquième partie d’une carte à jouer, barbouillée de tabac, portant sur le côté jadis blanc son nom et sa qualité, et la présenta à Luckie Dods. « Gardez voire chiffon, dit l’hôtesse ; c’est une pauvre langue que celle qui ne peut décliner son nom. — Je suis le cabitaine Mac Turc, du quatrième régiment. — Mac Turc ? » répéta Meg avec une emphase qui porta le propriétaire de ce nom à répliquer : « Oui, prave femme… Mac Turc… Hector Mac Turc… est-ce que fous afez quelque chose à redire à mon nom, prave femme ? — Non, que je sache, répondit Meg ; c’est même un excellent nom pour un païen… Mais, capitaine Mac Turc, puisqu’il se fait que vous soyez capitaine, vous pouvez reprendre le chemin de votre logis sur l’air des tambours de Dunbarton, car vous courez grand risque de ne parler ni à M. Tyrrel ni à aucun de ceux qui logent chez moi. — Et pourquoi non ? demanda le vétéran ; est-ce là une fantaisie éclose dans fotre tête folle, prave femme, ou M. Tyrrel a-t-il laissé de semplaples ordres ? — Peut-être oui, peut-être non, » répondit Meg brusquement, « et je ne vous connais pas plus le droit de m’appeler brave femme que je n’ai celui de vous appeler brave homme, ce qui est aussi loin de ma pensée que de la vérité, sans doute. — Cette femme bert la tête, dit le capitaine Mac Turc ; mais, allons, on n’insulte bas ainsi un homme comme il faut, chargé d’une mission honorable ; ainsi, faites un bétit heu de blace sur le seuil de la borte, ou je saurai me faire bassache d’une manière qui fous sera tésagréaple. »

En parlant ainsi, il prit la posture d’un homme disposé à s’ouvrir un chemin ; mais Meg, sans daigner répondre davantage, fit voltiger autour de sa tête le balai qu’elle employait à un usage plus légitime lorsqu’elle avait été troublée dans les occupations de son ménage par le capitaine Mac Turc. « Je connais assez votre commission, capitaine… et je vous connais vous-même ; mais j’y mettrai bon ordre, et je maintiendrai la paix de Dieu et du roi dans ma maison. »

En parlant ainsi, et comme gage de ses intentions pacifiques, elle brandit de nouveau son balai.

Le vétéran se mit instinctivement en garde, et recula de deux pas, en s’écriant que cette femme était folle ou aussi ivre de whisky qu’elle pût l’être : cette alternative fut si peu du goût de Meg,