Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/316

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servaient de pantoufles. Le reste de ses vêtements, c’est-à-dire ce qu’on en apercevait, consistait en une robe de tartan, qui enveloppait dans de vastes plis son grand et long corps maigre, et descendait jusqu’aux susdites pantoufles. Il lisait avec tant d’attention le livre place devant lui, in-folio d’une taille peu ordinaire, qu’il ne s’aperçut aucunement du bruit que fit M. Touchwood en entrant, pas plus que des hums ! et des hems ! par lesquels l’étranger jugea convenable d’annoncer sa présence.

Comme tous ces signaux inarticulés étaient également inutiles, M. Touchwood, tout grand ennemi qu’il était du cérémonial, se vit dans la nécessité d’annoncer l’affaire qui l’amenait pour excuser son importunité.

« Hem ! monsieur… hem, hem ! vous voyez devant vous un homme que le manque de société rend malheureux, et qui prend la liberté de s’adresser à vous comme à un bon pasteur, espérant que, par charité chrétienne, vous lui permettrez de jouir un peu de votre société, attendu qu’il est ennuyé de la sienne. »

De ce discours M. Cargill n’entendit guère que les mots : « Malheureux et charité, » mots qu’il connaissait bien, et qui ne manquaient jamais de produire quelque effet sur lui. Il regarda l’étranger avec ses yeux mornes ; et sans corriger la première opinion qu’il avait formée, quoique l’embonpoint et la bonne mine de l’inconnu, aussi bien que son habit soigneusement brossé, sa canne à pomme luisante, et surtout son maintien droit et son air content de lui-même, ne ressemblassent nullement au costume, à la tournure et aux manières d’un mendiant, il lui jeta tranquillement un schelling dans la main, et rentra dans la méditation studieuase que l’entrée de M. Touchwood avait interrompue.

« Sur ma parole, mon bon monsieur, » lui répliqua son visiteur, surpris d’un degré de distraction qu’il croyait à peine possible, « vous vous méprenez absolument sur le motif de ma visite. — Je suis fâché que mon aumône soit insuffisante, mon ami, » répondit le ministre sans relever les yeux ; « c’est tout ce que je puis vous donner pour le moment. — Si vous voulez avoir la bonté de me regarder un instant, dit le voyageur, vous reconnaîtrez peut-être que vous êtes dans une complète erreur. »

M. Cargill leva la tête, appela toute son attention à son aide, et, voyant devant lui une personne bien mise et d’extérieur respectable, il s’écria non sans confusion : « Ah !… oui… sur ma parole, j’étais tellement occupé de mon livre !… Je crois… je pense que j’ai