Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/321

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solitude, et auxquels il ne voulait pas renoncer, quand même ils étaient contredits par le témoignage de l’expérience ; en outre il considéra son indifférence absolue pour la qualité du boire et du manger comme indigne d’une créature raisonnable, c’est-à-dire d’un homme qui possède une cuisine. Cargill passa, à cet égard, aux yeux de son nouvel ami, pour ignorant et incivilisé ; néanmoins l’étranger reconnut que c’était un homme sensé et intelligent, quoique frugal et grand amateur de livres.

D’un autre côté, le ministre ne put s’empêcher de voir dans sa nouvelle connaissance une espèce d’épicurien, faisant un dieu de son ventre ; il s’aperçut aussi qu’il manquait de ce qu’on appelle l’éducation première, et des manières polies qui distinguent un homme bien né, ce dont le ministre était devenu juge compétent par suite du temps qu’il avait passé dans le monde. En outre il ne lui échappa point que parmi les défauts de M. Touchwood se trouvait celui de la plupart des voyageurs, une légère disposition à exagérer ses propres aventures, à amplifier ses propres exploits. Mais aussi la parfaite connaissance qu’il avait des mœurs orientales, mœurs qui sont encore ce qu’elles étaient au temps des croisades, formait un commentaire vivant aux ouvrages de Guillaume de Tyr, de Raymond de Saint-Gilles, aux annales musulmanes d’Albufaragi, et autres historiens de cette époque obscure qui faisaient alors le sujet des études du ministre.

Une amitié, une liaison du moins, fut donc aussitôt formée entre ces deux originaux ; et, à l’étonnement de toute la paroisse de Saint-Ronan, on vit le ministre de ladite paroisse s’unir et s’associer encore une fois à un individu de son espèce, appelé par les paysans le nabab du village. Leurs relations consistaient en de longues promenades qu’ils faisaient ensemble, et qu’ils renfermaient dans un espace de terrain limité, comme s’il eût été réellement entouré de barrières. Ils se promenaient, suivant les circonstances, sur une terrasse qui se trouvait au bas du village ruiné, ou sur l’esplanade devant le château ; et dans l’un ou l’autre de ces cas, la longueur du terrain qu’ils parcouraient n’excédait guère une centaine de pas. Parfois aussi, mais rarement, le ministre partageait le repas de M. Touchwood, quoiqu’il fût moins splendide que le premier ; car, comme l’orgueilleux propriétaire de la coupe d’or dans l’Ermite de Parnell, il était

Toujours le bienvenu, mais avec moins de frais.