Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une véhémence croissante ; « je ne veux voir ni lui ni aucun homme sur le pied dont vous venez de parler… Ma résolution est prise : les menaces et les prières ne sauront la faire changer. — Sur ma parole, madame, dit Mowbray, pour une jeune femme modeste et réservée, vous avez de la fermeté ; mais vous découvrirez que je n’en ai pas moins si vous ne consentez pas à recevoir mon ami, lord Étherington, et à le traiter avec la politesse qu’exige la considération que j’ai pour lui. Clara, je ne vous regarderai plus comme la fille de mon père. Au nom du ciel ! pensez à ce que vous allez perdre… l’amitié et la protection d’un frère… et pourquoi ?… pour un caprice et un misérable point d’étiquette. Vous n’imaginez pas, je suppose, dans les fictions de votre tête romanesque, que nous en sommes revenus au temps de Clarisse Harlowe et de Henriette Byron, où l’on mariait les jeunes filles malgré elles ; et c’est une extravagante vanité de votre part, si vous supposez que lord Étherington, parce qu’il vous a honorée de quelque attention, ne se contentera point d’un refus honnête… Vous croyez-vous d’un si haut prix que le temps de la chevalerie revienne pour vous ? — Je me soucie peu de savoir ce qu’était ce temps-là, répondit Clara ; mais je vous dis que je ne veux point voir lord Étherington ni aucun autre après de semblables préliminaires… Je ne le puis, ni ne le veux, ni ne le dois. Si vous désiriez que je le reçusse, ce qui n’avait aucune importance, il fallait me le présenter comme une visite ordinaire… mais avec les intentions qu’il a, je ne le recevrai point. — Vous le verrez et vous l’entendrez ; vous me trouverez aussi obstiné que vous… aussi prêt à oublier que vous êtes ma sœur, que vous l’êtes à oublier que je suis votre frère. — Le moment est donc venu où la maison de notre père ne nous renfermera plus tous deux. Je chercherai un autre asile : puisse le ciel vous bénir ! — Vous prenez cela bien froidement, madame, » répliqua Mowbray en se promenant dans la chambre avec une agitation qui se trahissait dans ses gestes.

« C’est, répondit-elle, que j’avais souvent prévu ce malheur… Oui, mon frère, j’ai souvent prévu que vous feriez de votre sœur l’objet de vos spéculations et de vos projets quand vos autres ressources manqueraient. Ce moment est venu, et, comme vous voyez, j’y suis préparée. — Et où vous proposez-vous de vous retirer ? demanda Mowbray. Je pense, en ma qualité de votre seul parent et de votre tuteur naturel, avoir le droit de le savoir… l’honneur de la famille et le mien y sont engagés. — Votre honneur ! c’est votre intérêt que vous voulez dire ! Mais soyez tranquille… le creux d’un