Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/357

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personnellement querelle à Martigny, pourquoi me mettre en collision avec lui ? Pourquoi ne pas exécuter la convention de Marchthorn ? Je veux mettre un terme aux craintes que j’éprouve d’une tentative contre ma fortune et mon titre. Je veux ma femme Clara Mowbray et mon domaine de Nettlewood. Or le temps presse, il faut donc agir à tout risque, et voici mon plan. Mowbray m’a permis de faire la cour à Clara sa sœur ; si elle consent à me prendre pour époux, je m’assure le domaine de Nettlewood, et je suis prêt à livrer bataille pour les biens de mon père. D’ailleurs, si cet heureux dénoûment a lieu, Martigny aura le cœur trop malade pour combattre encore, et courra se cacher, en véritable amant, dans quelque désert au delà des mers. Si, au contraire, la demoiselle persiste à refuser, je pense que Martigny sacrifiera beaucoup pour me porter à renoncer à mes prétentions. Or il me faut un agent pour communiquer avec cet individu : venez donc sans délai, venez me soutenir. Je vous jure qu’il n’y a ni risque à courir dans ce drame, ni personne à offenser dans le rôle que j’ai l’intention de vous confier.

« En parlant de drame, nous avons fait une misérable tentative pour jouer une espèce de pièce bâtarde au château de Mowbray. Il s’est passé ce jour-là deux choses remarquables : l’une, c’est que je n’ai plus osé me présenter devant miss Clara lorsque le moment critique est arrivé ; l’autre est d’une nature plus délicate, car il s’agit d’une certaine jolie dame qui semble déterminée à se jeter à ma tête. Si vous n’arrivez pas au plus tôt, vous manquerez certainement une des récompenses que je vous ai promises dans mon avant-dernière lettre. Jamais un écolier ne garde un morceau de pain d’épice pour son camarade sans éprouver un vif désir d’y mettre la dent. Pour moi, la perspective d’une telle affaire m’embarrasse, quand surtout j’en ai sur le tapis une autre d’une nature toute différente. Je vous expliquerai cette énigme à votre arrivée.

« On peut dire qu’hier j’ai commencé les opérations du siège, car je me suis présenté devant Clara. Je n’ai pas reçu un accueil très flatteur… mais peu importe ; je m’y attendais bien. En excitant ses craintes, j’ai produit une telle impression sur son esprit, qu’elle consent à ce que je la visite comme ami de son frère, et ce n’est pas avoir gagné peu de chose. Elle pourra s’habituer à me voir, et se rappeler avec moins d’amertume le tour que je lui ai joué ; tandis que moi, d’un autre côté, par la même force de l’habitude, je me débarrasserai d’une certaine gaucherie qui s’empare