Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/373

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— Soit, à vrai dire la proposition que vous venez de me faire indique que la prétendue réclamation à la main de cette jeune dame est dictée par des motifs d’intérêt, puisque vous pensez que votre ami se contenterait d’une séparation complète dès le jour même de son mariage, pourvu toutefois qu’on lui assurât la possession du domaine de Nettlewood. — Mon ami ne m’avait pas autorisée faire cette proposition ; mais il est inutile de nier que j’ai pu vous donner à penser que lord Étherington n’est pas un amant passionné. — C’est bien. Considérez ceci, monsieur, et que votre ami y pense sérieusement : le titre et la fortune qu’il possède aujourd’hui dépendent de ma volonté et de mon plaisir… si je fais valoir les droits dont ce papier vous donne une idée, il lui faudra descendre du rang de comte à celui de roturier, il lui faudra perdre la meilleure moitié de sa fortune… perte qui serait loin d’être compensée par le domaine de Nettlewood, en supposant qu’il en devînt possesseur, ce à quoi il ne pourrait parvenir qu’au moyen d’un second procès, incertain dans son issue et très déshonorant par son essence même. — Bien, monsieur ; j’entrevois la valeur de votre argument… Quelle est votre proposition ? — Que je m’abstiendrai de faire valoir mes prétentions à ce titre et à ces biens… que je laisserai Valentin Bulmer en possession du rang qu’il a usurpé et des richesses qu’il ne mérite pas… que je m’engagerai, sous les peines les plus rigoureuses, à ne le troubler jamais, à condition qu’il cessera de tourmenter Clara Mowbray, soit par sa présence, soit par lettre, soit enfin par l’intervention d’un tiers, et qu’il sera désormais pour elle comme s’il n’existait pas. — C’est une offre bien singulière : puis-je vous demander si vous la faites sérieusement ? — Je ne suis ni offensé ni surpris de cette question. Je suis un homme, monsieur, comme tous les autres, et je n’affecte pas un dédain complet pour ce que tout le monde désire… savoir, une certaine considération, un certain rang dans la société. Je ne suis pas un fou assez romanesque pour méconnaître la grandeur du sacrifice que je veux faire. Je renonce à un rang qui m’est et qui doit m’être d’autant plus précieux qu’il intéresse (et il rougit à ces mots) la réputation d’une mère honorable… d’autant plus qu’en omettant de le réclamer, je désobéis aux ordres d’un père mourant, qui désirait que je publiasse aux yeux du monde le repentir qui peut-être l’a précipité dans le tombeau, repentir dont il pouvait considérer la publicité comme une expiation de ses fautes. Je descends de mon plein gré du rang élevé que j’occupe dans le monde pour devenir un exilé sans nom ; car, une fois certain que