Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/375

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pas vous instruire de cette circonstance. Un fait entre autres dénote son caractère, et me confirme dans l’opinion qu’il redoutait beaucoup mon retour en Angleterre. Il a trouvé moyen, par l’intermédiaire d’un misérable agent qui, du vivant de mon père, avait coutume de m’envoyer mes remises, de retenir celles qui m’étaient nécessaires pour revenir du Levant, et j’ai été forcé d’emprunter à un ami. — Vraiment ? c’est la première fois que j’entends parler de ces papiers… Puis-je vous demander où sont les originaux, et entre les mains de qui ? — Je me trouvais en Orient lors de la dernière maladie de mon père, et ces papiers ont été déposés par lui dans une respectable maison de commerce avec laquelle il était en rapport ; il les avait cachetés sous double enveloppe, l’une portant mon adresse, et l’autre celle du chef principal de cette maison. — Vous devez sentir que je ne puis prendre aucune décision relativement à l’offre extraordinaire qu’il vous a plu de proposer ; à savoir : de renoncer aux prétentions fondées sur ces documents, à moins que je n’aie été préalablement à même de les examiner. — Vous ne tarderez pas à les connaître… je vais écrire qu’on me les envoie par la poste… ils ne forment qu’un petit paquet. — Voici donc qui résume tout ce qu’on peut dire, quant à présent… supposé que ces pièces fussent d’une authenticité inattaquable, je conseillerais certainement à mon ami Étherington de couper court à des prétentions aussi fondées que les vôtres, au risque même de renoncer à sa stipulation matrimoniale. Je présume que vous avez dessein de persister dans votre offre ? — Je n’ai pas l’habitude de rétracter ma parole, » répliqua Tyrrel avec une espèce de hauteur.

« Nous nous quittons amis, j’espère, « dit Jekill, en se levant et en prenant congé de Tyrrel. — Pas ennemis, certainement, capitaine, capitaine Jekill ; je vous avouerai que je vous dois des remercîments pour m’avoir tiré de cette ridicule affaire aux Eaux… rien n’aurait pu me gêner plus que l’obligation de pousser jusqu’au bout cette sotte querelle. — Vous reviendrez donc nous y visiter ? — À coup sûr je ne désire pas avoir l’air de me cacher ; c’est une circonstance qu’on pourrait tourner contre moi… J’ai un ennemi qui sait profiter de tous les avantages. Je n’ai qu’un sentier à suivre, capitaine Jekill, celui de la vérité et de l’honneur. »

Le capitaine s’inclina et sortit. Aussitôt après son départ, Tyrrel ferma à clef la porte de la chambre ; et, tirant de son sein un portrait, il le contempla avec un mélange d’affliction et de tendresse, et les larmes tombèrent de ses yeux.