Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/407

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qui se rappelant dans quelles circonstances il l’avait jeté par la fenêtre le soir précédent, et ne prévoyant que trop bien les conséquences de cette scène, proféra une imprécation et le lança au milieu du ruisseau. Les domestiques se regardèrent les uns les autres, et connaissant le prix qu’il attachait à ce couteau, ils ne doutèrent plus que son inquiétude à l’égard de sa sœur ne lui eût momentanément troublé la raison. Il vit leurs regards interdits et confus ; et reprenant autant que possible son sang froid, il commanda à Marthe et aux autres servantes de parcourir les différentes allées de l’autre côté du château, et enfin il recommanda à Patrick de sonner la cloche qui rappellerait sans doute miss Mowbray si elle s’était laissée entraîner trop loin par la promenade. Après avoir demandé qu’on lui amenât un cheval au Pont-Bruyant, simple planche pour les piétons, ainsi nommée à cause d’une forte cascade qui se trouvait un peu au dessus, il continua seul à suivre rapidement le sentier qu’il savait être la promenade favorite de sa sœur.

Il arriva bientôt au petit pavillon, qui, à proprement parler, n’était qu’un banc perché comme une aire de faucon au sommet d’un rocher. Sur la petite table rustique, disposée en face du banc, il remarqua un des gants de sa sœur, et le saisit avidement : il était mouillé, et la veille il n’avait pas plu : il fallait donc qu’elle fût venue la nuit en cet endroit, car si elle l’y eût oublié le matin même ou dans le courant de la journée, il n’aurait pas été dans cet état. Certain que Clara était passée par ce pavillon, Mowbray prit un sentier qui descendait de l’autre côté de la montagne, et remarqua, dans un lieu où la terre était argileuse, une empreinte de pied dont la forme et la petitesse le convainquirent qu’il était sur les traces de celle qu’il cherchait. Toujours guidé par quelques vestiges semblables, il arriva enfin au Pont-Bruyant. En cet endroit, la malheureuse pouvait avoir suivi un chemin qui menait au château de Shaws à travers les bois, ou passé le pont et pris la route qui conduisait au vieux village de Saint-Ronan.

Après un moment d’hésitation, Mowbray conclut qu’elle avait plutôt adopté ce dernier parti. Il monta sur le cheval qu’on lui avait amené suivant ses ordres, et donnant de vigoureux coups d’éperon à l’animal, qui d’abord ne semblait pas trop disposé à descendre dans le torrent dont le cours était extrêmement rapide, il gagna heureusement la rive opposée, grâce à la vigueur de son coursier, quoique l’eau montât jusqu’au pommeau de la selle. Alors il galopa vers le vieux village, résolu, s’il n’y trouvait pas de nouvelles de