Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/46

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rière le corps et sous la robe de cette apparition surnaturelle. — Voilà une histoire bien vraisemblable, interrompit le chevalier, pour que vous, sire ménestrel, homme de sens comme vous paraissez l’être, vous la racontiez si gravement. De quelle respectable autorité tenez-vous ce conte-là ? en supposant qu’il puisse passer après boire, il doit être absolument considéré comme apocryphe durant les heures plus sobres de la matinée. — Sur ma parole de ménestrel, sire chevalier, répliqua Bertram, ce n’est pas moi qui ai répandu cette fable, si c’en est une : Hugonnet, le joueur de viole, après s’être retiré dans un cloître près du lac de Rambelmère dans le pays de Galles, m’a communiqué l’histoire que je vous raconte en ce moment. Et comme je parle d’après l’autorité d’un témoin oculaire, je ne crois pas avoir besoin d’autre excuse. — Soit, sire ménestrel, dit le chevalier, continue ton récit, et puisse ta légende échapper à toutes les critiques aussi facilement qu’aux miennes ! — Hugonnet, sire chevalier, continua Bertram, fut un saint homme, et posséda sa vie durant une bonne réputation, bien que son genre de profession puisse être regardé comme un peu scabreux. La vision lui parla une langue antique, semblable à celle qui fut jadis employée dans le royaume de Strastes-Clyde, espèce d’écossais ou de gaélique que peu de gens auraient compris.

« Vous êtes un homme savant, dit l’apparition, et tant soit peu familier avec les dialectes qui furent autrefois en usage dans votre pays, quoiqu’ils soient aujourd’hui oubliés et qu’il faille pour être compris les traduire en saxon vulgaire, tel qu’on le parle dans le Deira ou le Northumberland. Un ancien barde anglais doit aimer tendrement l’homme qui, après tant d’années, attache encore assez de prix à la poésie de son pays natal pour songer à en conserver les fragments, malgré la terreur qui domine dans une soirée comme celle-ci.

« C’est en effet une terrible nuit, répliqua Hugonnet, que celle qui fait sortir les morts du tombeau et les envoie sur la terre, pâles compagnons des vivants… Qui es-tu, au nom de Dieu ? qui es-tu, toi qui brises les barrières infranchissables, toi qui reviens si étrangement visiter un monde auquel tu as depuis long-temps dit adieu ?

« Je suis, répondit la vision, ce célèbre Thomas-le-Rimeur, quelquefois appelé Thomas d’Erceldonne, ou Thomas le Véridique Parleur. Comme d’autres sages, j’obtiens de temps à autre la permission de visiter les scènes de ma première vie, et je suis toujours